Tribune Nord (2) : savoir maîtriser le 4×3 par Jérôme Boissel
A ceux qui pensaient que le Tours FC ne pouvait pas tomber plus bas que la campagne d’affichage Soif de Foot ? (campagne d’abonnement 2012/2013),celle de la saison 2014/2015 risque de laisser un goût amer : un père et son fils assis sur un fauteuil entourés de deux joueurs version sphinx, sous l’accroche Pour être au cœur du jeu…
Le Tours FC double en plus la marque : pas de visuel sur le web mais vous êtes invités à parcourir l’agglomération à la recherche des panneaux 4×3 et des sucettes JC Decaux de la nouvelle campagne Tous au stade : le comble du kitsch !
Trop douloureuse à décrire, encore pire à regarder, cette nouvelle campagne interpelle quant à l’incapacité chronique des clubs de foot (et de sport en général) à proposer des affiches – et au-delà des affiches des plans de communication – percutants et remarquables.
J’entends par « remarquable » la définition de Seth Godin : « Qui peut être remarqué ». Son exemple le plus fameux – également le titre d’un de ses best-sellers – est celui d’une vache violette. Imaginez que vous êtes dans un train et que vous parcourez la campagne française. Vous verrez des milliers de vaches mais aucune n’attirera votre attention, sauf, cette vache violette au milieu des autres.
Il en va de même pour les publicités. Chaque individu est sujet à une pression publicitaire que la plupart d’entre nous ne soupçonnent pas : entre 500 et 2.000 messages publicitaires par individu chaque jour ! Si la campagne n’est pas remarquable, le récepteur de ce message la catégorisera directement comme un « bruit ». Et son cerveau restera en éveil jusqu’à ce qu’il croise une publicité qui, elle, sera remarquable.
Certains d’entre nous sont peut-être tentés de contre-attaquer en se remémorant des campagnes ponctuelles du Stade Rennais ou l’aisance du Toulouse Football Club sur les réseaux sociaux.
http://www.youtube.com/watch?v=pgDa50Vmmhc
D’autres encore ont peut-être vu, ou entendu parler de, la guerre des affiches à l’occasion du dernier derby de rugby entre le Stade Français et le Racing Métro 92. Toujours est-il que ces exemples restent ponctuels et isolés…
La publicité : dernier élément de la démarche marketing
Pourtant, la publicité demeure le dernier élément de la démarche marketing. Si la publicité est souvent l’expression la plus visible de l’énoncé de positionnement d’une marque, elle n’en est pas moins la suite logique qui doit s’articuler autour de cette clé de voûte qu’est, justement, le positionnement.
Le positionnement, « c’est la conception d’un produit et de son image dans le but de lui donner une place déterminée dans l’esprit des clients visés » (Kotler & Dubois). C’est donc un élément déterminant de la stratégie marketing qui fait le lien entre le diagnostic environnemental et le marketing opérationnel (communément appelé Marketing Mix ou… Mix Marketing en français).
Or, il convient de constater, aujourd’hui, qu’il est difficile de se faire une idée de la place déterminée de tel ou tel club de football français dans l’esprit de ses spectateurs. Sans les pétrodollars, que représente le PSG ? Le club de la capitale ? Oui, peut-être, si vous avez la même image de Paris que celle d’un touriste étranger. Mais si vous êtes parisien et que vous n’êtes pas une star du show-biz, vous identifiez-vous au PSG actuel ? Celui qui n’a qu’un français dans son onze de départ en Champions League ? Celui qui laisse partir ces meilleurs jeunes Franciliens à la sortie du centre de formation ?
Il existe pourtant d’innombrables options de positionnements soutenables sur un territoire donné. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils seraient peut-être plus faciles à mettre en place dans des petits clubs de Ligue 2 que dans des métropoles de Ligue 1… Lorsqu’on interroge des spectateurs de Ligue 2, ils citent tous l’importance de joueurs issus du cru, du rôle du club dans la cité, des actions que les clubs pourraient mener envers les habitants moins privilégiés, etc…
Alors oui, le Tours FC s’est longtemps revendiqué comme le club des châteaux de la Loire, arborant la salamandre de François 1er sur son maillot et la fière devise Un club en conquête. Mais le Tours FC avait oublié que les châteaux de la Loire sont visités pour leur transformation datant de la Renaissance, sinon, il eût fallu citer les forteresses de Foulques Néra… Enfin, le TFC a oublié qu’une conquête se veut, par essence, rapide. Or, ce slogan est resté des années et la conquête est devenue un siège interminable ! 6 ans en Ligue 2, c’est long…
Pendant ce temps, qu’a fait le Tours FC sur son territoire ? A-t-il entamé ou entretenu des relations durables avec les clubs locaux ? A-t-il mis en place sur le long terme des actions citoyennes ? Non… Aujourd’hui, il se désespère d’accueillir une poignée de spectateurs à chaque match, multipliant les opérations de promotion des ventes pour remplir cette tribune Nord qui résonne tant.
L’Allemagne comme exemple d’un positionnement réussi
A ceux qui douteraient des vertus d’un positionnement réussi, je proposerai d’aller faire un tour sur le net et de taper Bayern Munich Mia San Mia. Le Mia San Mia – rien à voir avec le hit d’I AM – est la traduction bavaroise de « Je suis qui je suis ».
Cette devise est si forte que les supporters l’ont adoptée (certains l’ont même tatouée !) comme raison d’être de leur mouvement. Le club en a fait un élément phare de son identité, jusqu’à faire signer une clause de bon comportement à ses joueurs, qui doivent, en toutes circonstances, agir sans porter préjudice au club, à la ville ou aux supporters du Bayern. Alors oui, il s’agit du grand Bayern…
Prenons alors le meilleur exemple d’un positionnement réussi : le FC Sankt Pauli. Peut-être n’avez-vous jamais entendu parler de ce club abonné à l’ascenseur entre la Bundesliga 1 et la Bundesliga 2. L’histoire de Sankt Pauli est celle d’un petit club condamné à vivre à l’ombre de son grand frère, le grand Hambourg.
Sankt Pauli est le nom du quartier le plus chaud d’Hambourg, entre l’ancien coin où les marins tissaient leurs cordes et l’actuel Red Light District où vous pouvez faire du… lèche-vitrines (façon de parler).
Dans le dernier opus de sa trilogie Le Siècle, Ken Follett décrit ce quartier ainsi : « Cette ville portuaire [Hambourg] cherchait à divertir les marins débarqués du monde entier. Une rue qui s’appelait le Reeperbahn était le centre du quartier Sankt Pauli, peuplé de bars, de boîtes de strip-tease, de clubs homosexuels semi-clandestins et de quantité de salles de concert. » (Follett, 2014, p. 516)
Alors comment faire subsister un club dans ces conditions ? Avec un peu d’imagination sans doute. Celle d’un magnat folklorique, qui a fait fortune dans l’industrie pornographique allemande, et qui décide de reprendre le club de sa jeunesse en lui donnant une identité… différente.
- L’idée ?
Faire de Sankt Pauli un club atypique. D’ailleurs il n’est pas « fondé en 1910″ mais « non-établi en 1910″, comme un pied de nez à l’establishment.
- Comment ?
Sans renier ses origines, au contraire, en les exacerbant : le club devient rapidement le club anti-néonazi des punks, rebelles et prostituées d’Hambourg.
- Une identité vouée à l’échec ?
Non, très vite Sankt Pauli devient un club culte avec ce positionnement unique. Les supporters adoptent la tête de mort comme symbole de ralliement et, très vite, le Che fait son apparition sur les tifos et sur les produits dérivés qu’on s’arrache à la boutique. Ces derniers sont aujourd’hui expédiés aux quatre coins du globe avec un site internet en allemand et en anglais. Des liens sont même tissés avec les supporters (ultras pour la grande majorité) de grands clubs comme l’OM ou le Celtic Glasgow.
Les tenues officielles des joueurs ne manquent pas d’originalité non plus. Si les maillots extérieurs étaient les premiers « camouflages » (bien avant ceux de Naples ou de Bastia), le marron du maillot domicile est aujourd’hui une trademark respectée…
Les matches de Bundesliga 2 se jouent à guichets fermés, malgré l’agrandissement récent du stade. Même les loges sont pleines puisque les entreprises aussi adhèrent au concept… Alors même qu’à chaque match les supporters des trois tribunes « non-présidentielles » lancent un chant anti-VIP !
Aujourd’hui, le Sankt Pauli FC est un lieu de pèlerinage mais surtout un symbole de réussite pour tout club qui décide enfin, un jour, de penser en dehors du cadre. De là à ce que le Tours FC devienne le club des punks, rebelles et prostituées, la route est encore longue et il ferait sans doute fausse piste. Mais si Sankt Pauli est arrivé à trouver une vraie identité, pourquoi pas le Tours FC et les autres clubs de l’Hexagone ?
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