Le digital peut être vu comme un « moyen », un outil de plus dans la palette des managers en communication, en RH ou en marketing. Mais il peut être aussi vu comme un levier du changement, contribuant à la transformation de l’entreprise, à sa mutation digitale, un facteur qui accélère et contribue fortement à la dynamique de ces nouveaux modèles économiques; certains parleraient « d’uberisation » (Merci encore à Eric Cohen et Bruno Teboul de Keyrus d’avoir accepté cette collaboration ).
Comme le défendent Jean-Michel Billaut (Twitter @Billaut) ou encore le docteur Laurent Alexandre (Twitter @dr_l_alexandre) la santé n’échappe pas à ce phénomène.
Partageons une définition rapide de ce terme pour ceux qui veulent s’économiser la lecture du livre :), l’uberisation est pour moi une innovation de rupture au sens de Clayton Christensen, innovation offrant sur son marché une expérience utilisateur plus riche, donc un valeur perçue pus grande, pour un prix identique voire inférieur à celui de la concurrence, ce qui bouleverse les standards dudit marché et son économie en particulier.
La question sous jacente pour le marché de la santé est l’origine de ce processus, d’où l’uberisation va t elle démarrée sur ce marché ? Des acteurs historiques ou des start-ups ? Des laboratoires ? Des mutuelles ? Des éditeurs de logiciels ? Des cliniques et/ou des hôpitaux ? Des praticiens de santé ? Des GAFA ? Etc.
Lorsqu’on observe les marchés uberisés, ils l’ont systématiquement été par des start-ups, Uber ou blablacar pour le transport de personne, airBNB pour l’hôtellerie, Amazon ou Ebay pour le retail, le bon coin ou Google pour la presse, etc.
Le conservatisme d’une entreprise est aussi fort que son patrimoine
La raison de cette prédominance des start-ups – pour ne pas dire suprématie – à la barre des offres « rupturistes » est assez simple à décrypter : la culture d’un acteur historique d’un marché est un frein à son changement, agilité pourtant nécessaire à la satisfaction de nouveaux besoins. Comment demander à une entreprise d’abandonner les standards qui pendant des années ont fait sa croissance ? Le conservatisme d’une entreprise est aussi fort que son patrimoine. On érige souvent Kodak en exemple : entreprise de chimistes ayant détenu avant ses concurrents les brevets de la photographie numérique sans « croire » à son modèle économique, la menant à sa perte, exemple suffisamment notoire pour porter un nom : « la kodakisation ».
Les risques pour les acteurs historiques de ce marché comme les laboratoires sont (1) de demeurer des fabricants de médicaments (2) trop dépendant de la distribution sélective/ spécialisée.
La gouvernance de notre santé est entrain d’être révolutionnée, le consommateur prend conscience que nos sociétés modernes et le marché de la santé en particulier se sont construits sur un dogme à force de lobbying et de marketing, la médecine ne peut être que curative ou thérapeutique. Ces prochaines années vont être témoins d’un schisme historique entre les médecines traditionnelles et la médecine préventive, appelée aussi par les anglo-saxons « Paramedicine » renforcée par les nouvelles techniques de prédiction, nouveau champ d’investigation de la recherche ouvert par le IoT, concept reprit par Obama au travers de l’expression « precision medicine » dans son discours le 30 janvier 2015 pour faire des US le premier acteur mondial du secteur en érigeant ce nouveau marché au rang de grande cause nationale.
Pour moi le point de départ de cette révolution est l’épigénétique (ndlr : pour éviter de paraphraser, je vous renvoie vers l’excellente vidéo de Joel de Rosnay @derosnayjoel qui vous explique tout en 6 mn) et le séquençage complet de notre ADN bientôt rendu possible pour une poignée de dollars par mois. On sait aujourd’hui que 85% de notre ADN est influencé par notre comportement quotidien reposant sur 5 facteurs : l’alimentation, l’activité physique, la gestion du stress/ le sommeil, le plaisir et la relation aux autres. C’est ici que le digital prend toute sa valeur, les objets connectés et la Big data sont autant de concepts technologiques permettant de mesurer, de comprendre, de monitorer et d’influencer ces facteurs et donc notre santé.
Autre révolution, c’est l’évolution de cette extension de nous même qu’est le smartphone qui pourra dans les deux ans compléter les données comportementales déjà récoltées par des données biologiques et des données environnementales aussi précises que vos taux de glucide ou de lipide dans le sang, votre tension, votre rythme cardiaque ou encore la composition et l’apport calorique de chacun de vos repas.
La stratégie d’un laboratoire ne doit pas se limiter à la vision « outil » du digital, cela peut être certes un outil au service ce la connaissance client pour les OTC ou de l’amélioration de l’observance pour les thérapies voire de la réduction des investissements pour les tests cliniques contribuant aux AMM mais se limiter à cette vision serait se contraindre à de l’innovation itérative (ndlr : innovation se traduisant par une faible amélioration produit justifiant une légère augmentation ou un maintien du prix), bien moins pérenne. Pour illustration prenons le succès très limité de la stratégie du secteur de la presse pensant que l’amélioration de la « qualité » des journaux par de nouvelles maquettes et la réduction des coûts de fabrication suffiraient à la sortir de l’ornière.
Les laboratoires doivent se réinventer en devenant des opérateurs de santé.
Pour moi devenir un opérateur de santé c’est être tout autant reconnu sur la prévention par la prédiction que sur la curation par la thérapeutique en adressant ainsi toute la chaîne de valeur de ce nouveau marché. Devenir rapidement un acteur reconnu de la precision medicine demande de choisir les bons partenaires, d’intégrer les bons savoir-faire, de développer, de marketer et de commercialiser les bons produits/ services afin d’offrir de nouveaux revenus palliant la baisse du CA de la curation.
« Demain » les particuliers seront abonnés à des services de médecine préventive payés par l’état, les employeurs ou les opérateurs de santé comme les mutuelles afin de recevoir des conseils sur leur alimentation, leurs activités sportives ou sociales pour maximiser les chances d’augmenter leur « espérance de vie en bonne santé » comme on gagne des points de vie dans un jeu vidéo; les serious games ont la aussi un champ d’application insoupçonné !
Comme une évidence de dire que c’est aujourd’hui qu’il faut inventer demain; mais il est bon de le rappeler. Explorer différentes voies, accepter l’échec sont certainement les clés d’une innovation réussie dans un domaine historiquement conservateur et prudent.
je valide
Pingback: La santé connectée induira un cha...
Pingback: La santé connectée induira un cha...
Pingback: La santé connectée induira un cha...