Les parrainages, le chemin de croix de Christine Boutin
Pré Saint-Martin, Bonneval, Marboué, Chateaudun...En quête de ses 327 parrainages manquants, Christine Boutin fait l’inventaire des petites communes de France. Avec une logique – puisqu’en politique il en faut toujours une – celle de l’un des chemins de Compostelle. Dans le petit matin glacial, l’accueil est, au mieux, cordial.
Elle a la foi, la présidente du Parti Chrétien Démocrate. Et un prêche bien rôdé. Dans les petites salles de réunion des mairies rurales, face à des maires défiants mais compréhensifs, elle parle de « démocratie menacée », d’un « pays où les minorités ne s’expriment plus ».
Dans sa ligne de mire, l’Ump et le PS, qui « font pression » pour que les « 36 000 maires de France » mettent leur veto à des candidatures concurrentes. Même topo que pour Corinne Lepage, Marine Le Pen, Jean-Pierre Chevènement, Frédéric Nihous, Nicolas Dupont-Aignan… Avec les écarts de styles liés aux personnalités. Ce n’est pas vraiment faux. Le PS a bien écrit à ses ouailles pour qu’ils réservent leurs signature au Parti. Idem pour l’Ump, Jean-François Copé a été clair. Pour les « petits » candidats, recueillir les 500 signatures exigées par la constitution relève du parcours du combattant.
Avec la dignité des martyres, Christine Boutin déroule son argumentaire devant un maire encarté au Parti Radical. Sauf que, lui rétorque André Lebat, maire de Trizay-les-Bonneval, sur « les 36000 élus, à peine 6000″ sont encartés. Lui n’a pas reçu de consigne, c’est « un homme libre ». Guidé par ses convictions. Il est né en 1936, il a été marqué par 1944, a vu les Américains arriver dans la commune en 1945 « avec leur chocolats, leurs oranges et leurs bonbons ». Elle est née en 1944. Droit dans les yeux il lui demande : « Pourquoi vous êtes de droite ? ». « Le facteur déclenchant, ça a été l’élection de François Mitterrand », raconte Christine Boutin. La France euphorique devant l’homme du changement ? « Je faisais parti de ceux qui voyaient déjà les chars russes investir Paris ».
La présidente du Parti Chrétien Démocrate repartira sans signature. Mais avec des encouragements. « En tant qu’ancienne ministre, vous devriez être qualifiée d’office », affirme l’édile plusieurs fois. Ce sera tout. Prochaine étape moins de 10 km plus loin. Le convoi trouve porte close. Elle laisse un petit mot dans la boîte réservée aux courriers municipaux. « J’ai été élue locale aussi, je connais la charge de travail d’un maire, ils ne sont pas forcément disponibles dans le créneau que je leur donne ». Certains parleraient de Foi aveugle. D’autres d’abnégation. Peut-être de courage.
Alors que « les autres » courent la campagne au nom de l’emploi, de l’égalité, de la sécurité, de l’écologie, et autres thèmes porteurs, elle a fait une croix sur son programme – revenu de base tout au long de la vie, réforme fiscale, suppression du droit du sol, restauration du service national, opposition ferme au mariage et à l’adoption pour les homosexuels – pour porter celle des parrainages. « C’est un acte politique ». Celui de 2012. Celui de sa dernière campagne présidentielle – elle a 67 ans. « Mais on ne m’empêchera pas d’être là aux législatives« , martèle-t-elle. Forte de quelques dizaines de militants par département, convertis par sa foi en « l’humain », elle sème, elle transmet. Intransigeante sur ses « valeurs familiales », quitte à laisser les ors de la République aux autres.
Elle a été déçue par François Bayrou, qui ouvre la porte au mariage homosexuel. Elle a été déçue par « l’orientation trop droitisée » du gouvernement auquel elle a participé de 2007 à 2009. Forte de ses blessures, elle avance, droit devant. « La politique est un monde violent, mais il y a aussi de très belles choses ». Il y a eu cette première fois, quand elle « a appris son élection au Conseil général des Yvelines, au bras de son père », qui ne l’a jamais vue député. Parti trop tôt. Et ce jour terrible à l’Assemblée nationale où un député socialiste l’a traitée de « Goebbels »: « Il a présenté ses excuses, après, il faut avancer ».
Aujourd’hui la « petite bonne femme » qui est entrée en politique « à cause de Mitterrand » est sereine. Devant les portes closes des mairies de campagne, devant des maires courtois au stylo asséché, elle garde la tête haute. Et plonge sa cuillère dans la mousse de fruit que lui sert un bistrot de campagne. Oubliant son régime pour un peu de gourmandise. Que celui qui n’a jamais péché…