L’anonymat des parrains en question

Deux-mois et demi avant la date de dépôt de leurs parrainages, les petits candidats rament. Dur dur de convaincre des maires qui seraient selon eux « sous pression ». Pression des grands partis, qui accaparents les signatures. Pression des électeurs, qui seraient susceptibles de changer de bord si leur élu parrainait un autre candidat. Comme à chaque élection présidentielle, la publication des noms des parrains au Journal officiel est donc remise en question.

Jeudi soir, c’est une nouvelle fois Marine Le Pen qui est montée au créneau pour réclamer l’anonymat des parrains. La candidate du Front national, qui n’a récolté que 300 signatures d’élus, n’a pas hésité à menacer les parlementaires dans une lettre. « Puisqu’ils aiment la transparence », a-t-elle expliqué, « j’indiquerai qui a accepté de rendre ces parrainages anonymes et qui a refusé ». Les députés devront ainsi « assumer politiquement » les conséquences de leur choix lors des législatives, en juin. Marine Le Pen, spécialiste de ce genre de manoeuvres, a déposé un recours devant le Conseil d’Etat et une question prioritaire de constitutionnalité sur cette question.

Marine Le Pen appelle à manifester pour l'anonymat des parrains.

La candidate frontiste n’oublie pas que cette loi sur la publication du nom des parrains a empêché son père de se présenter en 1981… et l’a fortement gêné en 2002 et 2007, lorsque s’est déroulée une sorte de chasse aux sorcière envers les maires qui avaient parrainé Jean-Marie Le Pen. Pierre Nau, ancien maire FN de Blanzée (Meuse), confie au site Rue 89 que « plein de maires ne veulent pas se retrouver dans le journal local. A cause de ça, je connais des maires qui ont perdu leur place ». Lui n’a pas été inquiété. « C’est une petite commune. J’ai juste eu le droit à des réflexions du genre : “T’es raciste”. »

Mais le Front national n’est pas le seul défenseur de l’anonymat. La présidente du Parti chrétien-démocrate Christine Boutin, dans une situation délicate, a même entrepris un pélerinage sur le chemin de Compostelle pour convaincre les maires des petites communes, sans grand résultat. Lors du Congrès des maires en novembre, elle était présente pour tenter d’arracher quelques signatures, tout comme Gérard Schivardi, Jean-Pierre Chevènement, ou Nicolas Dupont-Aignan.

Nathalie Arthaud, candidate de Lutte ouvrière, qui est certaine d’avoir ses 500 signatures, confirme malgré tout que « c’est plus difficile qu’auparavant ». « La plupart des maires nous expliquent qu’ils ne souhaitent pas nous parrainer car ils ont peur des mesures de rétorsion qu’ils pourraient subir de la part des grands partis », raconte-t-elle. Ils redoutent par exemple « que le conseil général ne valide pas telle ou telle subvention, ou que quelqu’un qui brigue un mandat ne soit plus soutenu ».

Début janvier, les élus socialistes avaient en effet reçu un mail signé de la première secrétaire plaidant pour qu’ »aucun parrainage d’élu socialiste et républicain ne manque à leur candidat ». Outré, le candidat du NPA Philippe Poutou avait contre-attaqué avec une lettre. Selon lui, Martine Aubry tentait « d’interdire aux candidats des petits partis qui ont peu ou pas d’élus d’être présents dans la campagne présidentielle ».

Car le parrainage ne doit pas être un acte politique, mais un acte républicain. C’est du moins le point de vue de Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, qui se prononce également pour l’anonymat. Il propose que « les maires aient la possibilité d’accorder une double signature aux candidats : l’une de conviction, l’autre républicaine ». D’autant que « les prochaines municipales auront lieu en 2014, beaucoup de maires préfèrent ne pas se créer de problèmes supplémentaires ». Affaire à suivre.