Concorde aller, retour
Parmi les spectateurs avisés du rassemblement de la Concorde autour de Nicolas Sarkozy, notre envoyé spécial, Antoine Donzenac, s’est glissé parmi la foule. Entre coin presse et foule bleu blanc rouge il raconte les coulisses, les rencontres et les humeurs des militants.
> Ligne 12, direction Concorde, dimanche à l’heure du café et des gourmandises.Ces deux dames se poussent et pouffent comme des gamines dans le métro. Un meeting c’est presque comme une manif, non ? Il y a juste ces écharpes orange qui prêtent à confusion. Des espionnes de Bayrou, chargées d’évaluer la troupe sarkozyste ?
» Plus grande est la foule, plus gros est le mensonge et plus grave est la désillusion » commentait hier le candidat du centre, un poil mauvais joueur.
> Le lourd piétinement des légions en marche sous les arcades de la rue de Rivoli chasse les Chinois vers les boutiques dégoulinantes de la bimbeloterie expédiée de Canton ou Shangaï. Tout à l’heure, Nicolas Sarkozy parlera de la nécessaire contrepartie imposable à nos partenaires commerciaux. On peut rire. Dans l’intervalle et à contre courant, quelques marathoniens s’engouffrent en clopinant vers les profondeurs tièdes de l’underground parisien.
> A l’entrée du périmètre, ça emboutielle et ça rouscaille. Deux portiques électroniques ? C’est pour rire ou juste pour embêter ? Les fantassins du Val-de-Marne ont du vague à l’âme et la pancarte en berne. On oublie de le dire, à force d’en renouveler le constat, de meetings en grands raouts de campagne : un militant, PS, mélenchoniste, frontiste ou UMP, c’est d’abord un senior. Une histoire de disponibilté sans doute, et une certaine docilité.
> Pourtant du minot, il y en a. Tiens: « Jeunes avec Sarko ». C’est écrit en rouge sur le tee-shirt. Par-dessus, les deux pépettes en slim et ballerines, poireautant aux accès de la Rive gauche ont passé un très chic petit blouson « Good Life » en chevreau. Mèches vaporeuses, pâleur distinguée, carré de soie bouchonné, on est dans le look NKM avec ajustements générationnels.
Il y a une Fédé UMP rue de la Pompe ? Leurs smartphones s’ouvrent comme des poudriers. Elles balancent des oeillades sous la forme de sms en phonétiques. » Tu sais qui est là ? » » Non … » » C’est Charles, tu sais, le petit blond, il est dans mon rallye « .
Mignonnet, le Charles, surgi quelques minutes et dix mètres plus tard. Il a les yeux bleus, une coupe de preppy. Il n’oublie aucune liaison en attendant l’hypothèse d’une aventure et le col de son polo Ralph Lauren, est relevé.Rien n’a changé. Il y a presque quarante ans, leurs parents qui étaient giscardiens ou UJP se fournissaient au même vestiaire.
> Sous la tente de mariage, servant de salle de presse, la bourrasque s’engouffre faisant voler les copies du discours. « Seul le prononcé, fait foi » rappelle la mention d’usage. Une consoeur italienne s’inquiète. » C’est toujours comme ça ? » Elle voudrait suivre le meeting au milieu de la foule, sentir les ondes et les fluides traversant ce grand corps frémissant. Oui, mais en plein vent, au risque d’une averse,ce n’est pas très confortable.
À défaut d’une place assise au banc des correspondants elle se visse sur un ridicule tabouret de pmu complété d’un guéridon surélevé. On lui conseille de rester dans l’axe de l’écran plat, le steeple chase va commencer.
Copé, Fillon, Juppé, l’im-payââ-ble Gaudin, se succèdent. Des cracks ? Si l’on veut. L’important c’est de durer.
Dans un clip façon « L’Oréal », Véronique Genest sème ses taches de rousseur et ses opinions pondérés.
Pour elle, il n’ y a pas photo, c’est Sarko. Nadine Trintignant le dit aussi. On comprend moins bien, peut-être à cause de ses lèvres botoxées. Lelouch (Claude) suit . C’est la séquence chabadabada et ciné nostalgie.
Pas de chance pour Guillaume Peltier. Le yearling tourangeau devait un galop d’essai mais le président candidat a décidé de parler une demi heure plus tôt, au moment, exactement, où Hollande doit prendre le micro à Vincennes.
Le Peter Pan de la cellule riposte, le Mozart des sondages fait bonne figure, échangeant quelques mots complices avec les accrédités permanents de la caravane présidentielle. Franck Louvrier patron de la com’ élyséenne, depuis l’épopée de 2007, croise et patrouille dans cet aquarium encombré avec des airs de carnassier blasé.
> C’est fini, dispersion. Les nuages roulent sur la Concorde, couleur d’ardoise et de lila. La France n’est pas bleue, ni blanche, ni rouge, disait Mitterrand, elle est grise, jusque dans ses nuances infinies. Un expert.
Rue Saint-Dominique déserte, un 4X4 jaillit du parking de l’Assemblée dans un bruit de paquebot. À travers les vitres fumées, on reconnaît le brushing un peu flappi d’Olivier Stirn. Navigant de la droite à la gauche, et réciproquement, élu de Vire (Calvados) un moment, il avait fini par se faire virer, traînant une vieille histoire de claque dans un colloque, assurée par des étudiants rétribués en loucedé.
Cent mètres plus haut remontant à grandes enjambées solitaires, Michel Barnier secoue son panache blanc. Quelles pensées l’agitent ? A quoi peut songer le commissaire européen au marché intérieur à cet instant ?
À cette histoire de BCE, peut-être, tirée du chapeau tout à l’heure, et au probable courroux des Allemands. Aux mises en garde de Mme Lagarde l’avant-veille. À ce rêve qui s’effrite.
Antoine Donzenac