Les engagements des candidats : la fiscalité (7/10)
Qui n’a jamais frémi en remplissant sa déclaration de revenus ou en découvrant sa feuille d’impôts dans sa boite aux lettres ? Trop élevés, trop mal répartis, trop injustes, les impôts n’ont pas leur place dans le coeur des Français. Pourtant, ce sont bien eux qui permettent le fonctionnement de la Sécurité sociale, des services publics, des allocations et indemnisations diverses, de l’école. Bref, de l’Etat-providence que nous envient nombre d’étrangers. En temps de crise, la fiscalité est donc un enjeu crucial de l’élection présidentielle. Les candidats préconisent tous une meilleure répartition des prélèvements. Reste à définir ce que signifie « meilleure ».
Nicolas Sarkozy. Le chef de l’Etat sortant compte avant tout modifier une fiscalité qui, selon lui, pèse sur le travail. Ainsi, il propose d’alléger les charges patronales, notamment dans l’industrie et l’agriculture, et exonérer de charges patronales l’embauche des personnes de plus de 55 ans. Par ailleurs, il souhaite créer un impôt sur le bénéfice mondial des grandes entreprises pour les dissuader de délocaliser les emplois. « Quel que soit l’endroit où elles réaliseront des bénéfices, elles paieront une part d’impôt en France », écrit-il dans sa lettre aux Français. Un impôt serait aussi mis en place pour les exilés fiscaux français, qui s’installent à l’étranger exclusivement pour des raisons fiscales. Enfin, le candidat de l’UMP promet qu’il n’y aura aucune augmentation d’impôt pour les ménages durant le prochain quinquennat.
François Bayrou. Avant toute chose, le candidat du MoDem envisage de mettre en place une taxe sur les transactions financières internationales, dans un cadre européen. 10% des revenus ainsi générés seraient affectés au développement (lutte contre la faim, l’illetrisme, les pandémies et le dérèglement climatique). Il créera une Haute autorité de lutte contre la fraude fiscale et sociale, composée de magistrats. D’autre part, il promet de donner un coup de rabot général des niches fiscales de 15% sur 3 ans et supprimer les niches « non fondées », comme l’exonération de l’impôt sur le revenu des heures supplémentaires, la « niche Copé », ou la déduction d’intérêt au titre des emprunts pour prises de participation. Pour combler la dette publique, il prévoit en revanche une hausse modérée de TVA, à hauteur de 1 point en 2012 et, si la croissance n’est pas au rendez-vous, un point en 2014. L’impôt sur le revenu deviendrait plus progressif par le passage de la tranche de 41 % à 45 % et la création d’une tranche à 50 % pour les revenus supérieurs à 250 000 euros par part. L’ISF serait aussi transformé en Contribution de Solidarité sur le Patrimoine (CSP) « plus simple et transparente ».
Eva Joly. La candidate verte milite évidemment pour une fiscalité plus verte. Elle prévoit ainsi de stopper les subventions qu’elle juge néfastes pour l’environnement et appliquer le principe « pollueur-payeur ». Une contribution climat-énergie serait établie, dont 50% du produit serait utilisé pour financer des investissements publics écologiques (transports collectifs, services publics locaux de la maîtrise de l’énergie, etc.). Le reste serait redistribué sous forme de « chèque vert » aux ménages les moins favorisés. Les dépenses considérées comme néfastes pour l’environnement seraient également supprimées (exonération de la TVA sur le kérosène, TVA à taux réduit sur les pesticides, etc). Eva Joly compte aussi fusionner l’impôt sur le revenu avec la CSG, taxer à 70 % les revenus supérieurs à 500 000 € par an et instaurer un impôt progressif pour les entreprises. Pour lutter contre le pouvoir de la finance, elle propose d’instaurer une taxe sur les transactions financières en Europe.
Marine Le Pen. La candidate frontiste est prolixe sur le sujet fiscal. Pour commencer, elle propose d’intégrer la taxe d’habitation, jugée trop opaque, à l’impôt sur le revenu. Sa priorité sera de rendre plus progressif cet impôt sur le revenu par la création de nouvelles tranches intermédiaires. La tranche supérieure serait ainsi portée à 46%. Par ailleurs, la fiscalité des dividendes serait revue « pour que les revenus du capital ne soient pas favorisés par rapport aux revenus du travail ». La présidente du FN préconise par ailleurs un impôt progressif sur le patrimoine, fruit de la fusion entre la taxe foncière et l’ISF. Elle espère ainsi supprimer la taxe foncière actuelle, qu’elle juge « injuste ». Côté consommation, elle plaide pour que les produits de première nécessité continuent à bénéficier du taux réduit de TVA à 5,5%, mais elle souhaite que cette taxe soit rendue plus progressive. Ainsi, un taux de TVA majoré serait créé pour les produits de luxe. D’autre part, Marine Le Pen souhaite instaurer trois taux d’impôt sur les sociétés (15%, 25% et 34%). Les plus bas favoriseront selon elle les entrepreneurs individuels et les PME. Deux tiers des recettes ainsi générées seraient consacrés au budget de l’État et un tiers au budget des collectivités.
Jacques Cheminade. En premier lieu, le candidat de Solidarité & Progrès propose de fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG en taxant les revenus du capital de la même manière que les revenus du travail. Le barème progressif de ce nouvel impôt irait de 2 % pour 2200 € de revenu mensuel à 70 % pour plus de 100 000 €. Par ailleurs, il souhaite intégrer l’ISF dans une imposition globale sur le patrimoine en le liant aux successions : ainsi, tout ménage pourrait transmettre en une fois, sans impôt, au maximum 180 000 € à chacun de ses enfants. Par ailleurs, un point de la nouvelle CSG serait consacré aux dépenses sociales des départements. Concernant l’impôt sur les sociétés, le candidat compte redonner la priorité aux PME en ramenant de 33 % à 30 % cet impôt, et en prévoyant un « taux réduit de décollage » de 18 %. Il préconise également le renforcement de la TVA sociale « pour protéger notre production nationale contre le dumping ». Les taux varieraient selon les produits.
Nicolas Dupont-Aignan. Le souverainiste préconise une réduction drastique des niches fiscales, un rapprochement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail, une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu à 50 % pour les revenus supérieurs à 300 000 euros par an, et une réforme de la fiscalité des grands groupes (fin de la loi Copé). Le président de Debout la République compte également mettre en œuvre un impôt de citoyenneté, « afin que chaque français qui réside à l’étranger soit soumis à une taxe minimale et ne soit pas encouragé à l’évasion fiscale ».
François Hollande. La grande mesure du socialiste en matière de fiscalité concerne la création d’une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, pour taxer à 75% au-dela du million d’euros par an. Mais au delà, il annonce une grande réforme permettant la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR). Une part de cet impôt serait affectée aux organismes de sécurité sociale. Il prévoit aussi de taxer les revenus du capital comme ceux du travail. Dans la même optique, nul ne pourrait plus tirer avantage des niches fiscales au-delà de 10 000 euros de diminution d’impôt par an. Par ailleurs, François Hollande promet de réorienter les allégements fiscaux vers les entreprises qui investissent sur le territoire français. Les sociétés seraient soumises à trois taux d’imposition différents : 35% pour les grandes, 30% pour les petites et moyennes, 15% pour les très petites. L’imposition sur les bénéfices des banques serait augmentée de 15 %. Enfin, le candidat socialiste propose la création d’une taxe sur toutes les transactions financières, ainsi qu’un renforcement des moyens de lutter contre la fraude fiscale.
Jean-Luc Mélenchon. Dans l’idée de redistribuer les richesses, le candidat du Front de gauche envisage une grande réforme de la fiscalité : suppression du bouclier fiscal, augmentation de l’ISF et de l’impôt sur les revenus du capital, taxation des revenus financiers des entreprises. Jean-Luc Mélenchon compte également moduler l’impôt sur les sociétés et les cotisations sociales en fonction des objectifs d’emploi. L’impôt sur le revenu, quant à lui, comptera quatorze tranches, dont la plus haute, au delà de 360.000 euros de revenu annuel, sera imposée à 100%.
Philippe Poutou. La suppression des niches fiscales est l’une des mesures phares du Nouveau parti anticapitaliste. Selon son candidat, « rien qu’en annulant la dernière réforme de l’Impôt sur la fortune, ce sont 19 milliards d’euros qui seraient récupérés ». Il milite également pour l’augmentation de la progressivité de l’impôt sur le revenu : il envisage une nouvelle tranche d’imposition à 100 % au-delà de 20 fois le SMIC (360.000 euros de revenu annuel). D’après lui, la suppression de tous les dispositifs « destinés à alléger les impôts des riches » rapporterait 150 milliards d’euros par an. Par ailleurs, les bénéfices des sociétés seraient taxés à hauteur de 50%. Ces sommes doivent, selon lui, revenir aux salariés sous la forme d’augmentation de salaire. Dans la même veine, il propose l’arrêt des exonérations de cotisations sociales.
Nathalie Arthaud. L’urgence, selon la candidate de LO, est de supprimer la TVA. Cet impôt, qui rapporte « la moitié des recettes de l’État », est aussi « le plus injuste », car payé au même taux que l’on soit riche ou pauvre. Sa suppression serait compensée par une imposition plus forte sur les revenus du capital. La candidate se prononce donc pour un impôt fortement progressif, jusqu’à 100% sur les revenus du capital issus de l’exploitation d’autrui.