Clément Camar-Mercier est auteur, traducteur et dramaturge. Il est notamment spécialiste du théâtre élisabéthain et plus particulièrement de William Shakespeare, dont il entreprend une nouvelle traduction de l’œuvre intégrale.
Installé en Loir-et-Cher depuis une douzaine d’années, près de Vendôme, Clément Camar-Mercier a fait de l’écriture de ce premier roman une absolue nécessité. Il signe avec Le roman de Jeanne et Nathan, une fable contemporaine autour de l’addiction. Quelle que soit sa forme.
Il me l’a raconté l’été dernier, alors que je l’interviewais.
C’est donc » l’histoire d’un professeur d’université toxicomane qui tomba fol amoureux d’une actrice pornographique elle aussi toxicomane. Et inversement ».
Epique et utopique
L’histoire de Jeanne de Nathan qui se rencontrent en plein confinement dans une clinique de désintoxication, à quelques encablures de Paris, où ils vivent tous les deux. Qui tombent amoureux. Qui décident de créer une société différente, solidaire et qui s’installent dans la campagne loir-et-chérienne pour le prouver. Jusqu’à ce que tout dérape. Définitivement.
Un premier roman trash qui clashe fort, qui emmène le lecteur dans des univers interlopes ou très chics. Selon le moment. Les chapitres s’enchainent comme un compte à rebours vers une fin tragique. Désespérée.
Extraits
Page 31 :« […] Le public était divisé en trois catégories : les vieux pervers, les jeunes ados et les aspirantes actrices. Celles-ci, Jeanne n’avait pas du tout envie de leur dire de fuir ; la pornographie l’avait libérée ; on ne l’avait jamais contrainte ; elle ne pouvait pas mentir. Elle en rêvait, le réalisa, en était heureuse, comblée. On ne l’emmerdait plus. Elle était fière, en tant que femme, dans ce milieu, où elle chérissait son indépendance et son statut de star. Jeanne garda pour elle ses petits doutes, ses regrets et cette légère impression d’en avoir fait le tour. Ce genre d’émancipation, vantée partout aujourd’hui, et à laquelle elle avait cru, ne se révélait peut-être pas une émancipation très constructive. Voire pas une émancipation du tout. »
Pages 62-63 :« […] Avant que sa mère ne décède, il ressentait de la jalousie pour les gens en deuil, nombre de ses amis étaient déjà orphelins, comme par hasard. Il voulait être un mec au parcours tortueux, difficile, un écorché, celui qui avait de vraies raisons de rester malheureux, celui que la vie n’avait pas épargné. A la place, il n’épargnait rien à la vie. Et puis sa mère y passa et rien ne changea. Cette pensée mortuaire, il l’eut en traversant le pont Charles-de-Gaulle, cinq heures plus tôt que Jeanne. Nathan dévia vers Bastille, juste à côté de la morgue. Plusieurs cadavres étaient en train d’être déchargés à l’Institut médico-légal. En les voyant, il envisagea pour la première fois la possibilité de se faire soigner. Il devait bien exister des lieux pour des gens comme lui ; si jamais, cela aurait quand même une drôle d’allure. De toute façon, ça serait toujours mieux que l’Université française. »
Pages 183-184 :« […] Malgré la drogue, on peut dire qu’il avait tout réussi au sens usuellement répandu du terme. On dit défoncé quand votre conscience est altérée par une substance prohibée. L’alcool ou les médicaments n’ont pas le droit à ce mot, car l’hypocrisie n’a pas de limites quand il est question de morale. Ce n’est pas un joli mot, défoncé, pourtant c’est celui qui sonne le plus juste. Il avait peut-être choisi la drogue par facilité. Elle l’aidait à voir le monde de manière plus claire, plus pertinente et il préférait la pertinence au bonheur, ou à la santé d’ailleurs. Il était jeune et beau, c’était suffisant. Vous n’avez jamais remarqué qu’il se droguait. »
Le roman de Jeanne et Nathan, Clément Camar-Mercier, Actes Sud, 22,50 euros.
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