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Il neige, il gèle… Rien de mieux qu’un livre au coin du feu ou sous la couverture, non ? Plongez-vous, si vous voulez, dans le roman choral  « Loin des bras » de Metin Arditi dont vous pouvez découvrir la biographie ici.

Cette fois, l’auteur suisse d’origine turque, nous plonge dans l’univers douillet d’un pensionnat suisse pour gosses de riches venus du monde entier, l’Institut Alderson. Fondé dans les années 40 par un couple atypique qui s’inspira du mouvement naturiste de l’entre-deux-guerres, l’Institut est aujourd’hui en situation difficile.

 

Nous sommes en 1959. A quelques jours de la rentrée. Le fondateur est mort depuis plusieurs années déjà. Sa veuve essaye de boucler le budget tant bien que mal alors que plusieurs défections sont déjà enregistrées du côté des élèves.

Comment faire ? Vendre l’établissement à ces Américains qui possèdent déjà plusieurs écoles en Suisse ? Oui, mais que vont devenir les professeurs ? Et Gisèle, la soeur cadette de Mme Alderson avec qui elle entretient d’ailleurs une relation ambigüe ? Pourra-t-elle tirer un bon prix de l’école ou finira-t-elle pas renoncer ?

S’en suit, au fil des 426 pages, des portraits d’hommes et de femmes qui enseignent et travaillent à l’école. De septembre à décembre 1959. Une période courte, racontée au jour le jour. A plusieurs voix.

Les parcours se mélangent. Les secrets se dévoilent au fil des pages. Ici, tous ont quelque chose à cacher. Véra, l’Italienne venue assurer un remplacement, a perdu son fils alors âgé de 12 ans dans des circonstances tragiques ; Irène, veuve d’un « Boche » grand savant qui a travaillé pour l’armée allemande, et son amour immodéré du jeu ; MacAlistair, l’Américain, qui a déguisé sa lâcheté en pacifisme de bon aloi…  Berthier, lui, a fait le jeu de la Collaboration pendant le Deuxième guerre mondiale. Après la prison, il s’est installé en Suisse. Il y a aussi Brunet, qui vit chez sa mère. Homosexuel, il passe tout son temps libre à photographier le lac. Toujours le même, de quatre points différents. Jusqu’au jour où…

Autant de personnages, – impossible de ne pas citer Gülgül, l’ancien lutteur de l’Empire ottoman qui dansait pour les hommes avant de devenir professeur de sport à l’institut, tombé sous le charme, comme Brunet d’ailleurs de Georges Alderson, ni d’oublier Nadelmann, amoureux de la poésie mais qui a dû quitter l’Autriche parce qu’il était juif… – qui évoluent dans l’Institut où vivent les élèves. Des élèves riches mais abandonnés, « loin des bras » de leurs parents, du regard bienveillant de leur famille.

Adultes et enfants essayent de trouver leur place en montant une pièce de théâtre, en jouant au football, en étudiant, en photographiant. Avec les moyens du bord donc. Certains s’en tirent. D’autres non.

Ainsi, Brunet, l’un des professeurs, ( page 153) : « C’est ça ma vie, se dit Brunet alors qu’il longeait le quai. Des amours violentes sous forme de fantasmes. Car on ne pouvait rien lui reprocher. Rien. En vingt-cinq ans, ni un geste, ni un mot, encore moins une allusion ».

Page 163 , après l’incendie du hangar aux yoles, Mme Alderson perd un peu pied. « Le face-à-face qu’elle avait eu avec les deux garçons lui donnait encore le rouge aux joues. Le sentiment qui l’envahissait était l’humiliation. Celle de l’insulte, ajoutée à celle, plus mordante, de ne pas pouvoir répondre à l’insulte. Ces deux élèves avaient voulu défigurer l’Institut ».

Page 175 ( Irène évoque les personnes qui travaillent et vivent à l’Institut ) : « Ici, c’est la foire aux voiles déchirés. Chacun a subi la tempête. C’est d’ailleurs ce qui nous rassemble. Les élèves, les professeurs, le personnel, Mme Alderson… Il y aurait du boulot pour une escouade de couturières… Du genre qui cousent sur des machines à gros fil ! »

Au final, un livre qui se dévore. Grâce au sujet bien sûr mais aussi à la forme retenue par l’auteur. En faisant parler les personnages de manière successive jour après jour, Metin Arditi crée un lien, une empathie pour ces hommes et ces femmes cabossés par la vie à des degrés divers. Là, au milieu des solitudes et des destins brisés, tous se retrouvent face à leurs faiblesses. Qu’ils vont assumer ou pas.

L’écriture fluide et le sens du rythme propre à Arditi font de « Loin des bras » un roman délicieux. Et une porte d’entrée pour découvrir l’oeuvre de l’auteur dont le dernier ouvrage est paru lors de la rentrée littéraire de septembre chez Actes Sud, « Le Turquetto« .

 « Loin des bras », Metin Arditi, chez Babel, 9,50€

« Le Turquetto », Metin Arditi, Actes Sud, 19,50€.

 

 


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