Parmi les livres publiés pour cette rentrée littéraire, le nouveau recueil de nouvelles de Jöel Egloff, intitulé « Libellules ».
Joël Egloff, est, entre autres, l’auteur de « L’étourdissement », formidable roman qui avait remporté le prix du Livre Inter en 2005. C’est aussi l’auteur d’un roman comme « Edmond Ganglion & fils », grâce auquel j’ai découvert cet auteur, en 1999.
Avec « Libellules », l’auteur nous emmène de battements d’ailes en battements d’ailes au plus près des interrogations d’un jeune garçon sur la mort et la disparition, au plus près d’observations du quotidien, de rencontres qui ne se font pas, de personnes qui passent un peu à côté de leur vie.
Au fil de ces vingt-cinq nouvelles, Joël Egloff porte avec tendresse et bienveillance un regard sensible et drôle sur le monde qui l’entoure. A la différence de ses précédents livres, l’auteur est parti d’une réalité avant de la faire évoluer dans l’imaginaire. Le sien.
Une vidéo pour découvrir l’univers de l’auteur :
Extraits
Page 13 ( Rien à secouer) : « Huit ans, déjà… je me disais, l’autre jour. Huit ans que je la vois à sa fenêtre, de l’autre côté de la cour, secouer son linge, tous les jours de la semaine, souvent plusieurs fois par jour, et parfois même à la nuit tombée. Elle secoue des draps, des oreilles, des pantalons des pyjamas, des chaussettes, des robes et des jupes, des serviettes, des pulls et des chemises, et tout ce qu’il est possible de secouer. »
« Elle secoue chaque chose avec vigueur, mais sans empressement, quatre fois, le plus souvent, ou cinq, puis elle se retourner, plie le vêtement dans l’ombre, se saisit du suivant, et se repenche à sa fenêtre, pour le secouer avec vigueur, mais sans empressement, quatre fois, le plus souvent, ou cinq, c’est selon. »
Pages 39-40 (Kate) : « Quand j’ai vu qu’on recherchait, en Angleterre, un plombier pour une station antarctique, je me suis dit que ça pouvait pas mieux tomber, parce que ce jour-là, justement, pour différentes raisons, j’avais une furieuse envie de m’en aller passer quelques années, voire le restant de mes jours, en Antarctique.
« Et puis je me suis souvenu que j’étais pas plombier, et que je parlais à peine anglais, alors j’ai su que c’était pas du tout cuit, et pour tout dire, que c’était même perdu d’avance. Et jamais j’ai tant regretté que ce jour-là de ne pas avoir fait de plomberie, parce que j’aurais pas hésité à postuler sinon, pas une seconde, et si ça se trouve, à l’heure qu’il est, je me ferais moins suer, et au lieu de m’esquinter à essayer de faire des phrases, je serais bien peinard au grand air, assis sur la banquise, à trier mes joints en sifflotant, les rouges avec les rouges, les noirs avec les noirs. «
Page 161 ( Au feu, s’il vous plaît) : » On a beau avoir deux yeux, ils regardent souvent dans la même direction, si bien qu’au lieu de se compléter, ils travaillent en doublon, ce qui est regrettable. Toute considération esthétique mise à part, s’ils pouvaient, chacun d’eux, faire preuve d’un peu plus d’autonomie, si l’un s’occupait de regarder à droite pendant que l’autre regarde à gauche, on aurait sûrement une vision du monde moins parcellaire. On toucherait d’un peu plus près la vérité des choses.
» J’y pense, parce que souvent j’emprunte cette route. Et juste à l’entrée de la ville, à chaque fois, mon regard se pose sur les ruines de cette bâtisse, dont ne reste plus que les murs noircis, et du toit, quelques poutres calcinées. »
Mon avis
Les nouvelles, genre bien particulier, ont ce pouvoir de vous emmener très vite en voyage. Joël Egloff y parvient également. Mais de ce « livre-mosaïque », comme le définit l’auteur lui-même, je suis restée à côté. Il y a des années, le style Egloff, simple et sans fioriture, m’avait beaucoup plu. Cette fois, j’ai moins adhéré aux atmosphères décrites au fil des histoires.
A mon sens, pas la meilleure façon d’entrer dans l’univers d’Egloff. Plongez dans « L’étourdissement » !
« Libellules », de Joël Egloff, Buchet-Chastel, 15€.