La Moldavie, vous connaissez ? Engoncée entre la Roumanie et l’Ukraine, cette ancienne république soviétique, devenue indépendante en 1991, est au coeur du premier roman de Vladimir Lortchenkov traduit en français « Des mille et une façons de quitter la Moldavie », publié au printemps dernier chez Mirobole éditions ( le roman originel, écrit en russe, date de 2006).
Un roman burlesque, loufoque qui parle cependant d’hommes et de femmes en quête d’un avenir meilleur… en Italie.
Principal fournisseur en vin, fruits et légumes des républiques de l’URSS, la Moldavie est aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Ses relations diplomatiques entretenues avec la Russie d’un côté et la Roumanie de l’autre, sont fluctuantes et complexes. Entre l’idée d’une Europe ouverte et cette d’une ancienne puissance russe, le pays se déchire et ses habitants rêvent d’autre chose.
Vladimir Lortchenkov, l’auteur, est âgé de 35 ans. Fils d’un officier de l’armée soviétique, il a sillonné durant son enfance l’URSS et ses pays satellites. Également journaliste, il a remporté plusieurs prix littéraires russes. Il vit à Chisinau, en Moldavie.
L’histoire ? Elle est riche. Si, tout au long du roman, on suit le malheureux Séraphim qui tente par tous les moyens de rejoindre l’Italie, on découvre également tout un tas d’autres personnages, loufoques. Un chef d’Etat retors, un pope qui envoie par deux fois ses ouailles en croisade, des joueurs de curling improvisés, un constructeur de tracteur volant puis de sous-marin à pédales…
Entre petites mesquineries et situations drolatiques, les habitants de Larga ont un objectif : changer de vie et rejoindre au plus vite l’Italie, même si certains persistent à dire que ce pays, cet Eldorado, n’existe pas.
Extraits
Page 145 :« […] Mais moi, chroniqueur de la croisade, ayant pris sur mes épaules la responsabilité de consigner tout ce qui nous arriva, j’affirme qu’à partir de la fin du troisième mois, les populations locales se montrèrent de plus en plus hostiles à notre égard.
Car si au début, le peuple de Moldavie intégrait les rangs de notre armée avec ferveur, à la fin du troisième mois, on commença à vouloir entraver, voire stopper notre progression. On nous traitait de maraudeurs, de voleurs ou de délinquants. Et il y avait beaucoup de vrai dans ces qualificatifs. Car trop de malfrats s’associèrent à la cause sacrée de la croisade vers la terre impie d’Italie ! »
Page 171 :« Vêtu de son magnifique uniforme noir et coiffé d’une casquette à dorures et à passepoil rouge, Vassili se tenait au garde-à -vous. A côté de lui, Séraphim, légèrement voûté – à ce qu’on disait, il n’avait jamais fait l’armée –, inclinait un peu la tête sur le côté. Tous deux mangeaient des yeux le douanier roumain qui avait failli perdre l’usage de la parole en découvrant ces deux étranges Moldaves. D’ordinaire, c’était plutôt des gens en voiture qui leur arrivaient ici. Or ces deux-là étaient venus à pied, mais pas les mains vides. Et ils ne transportaient pas des cigarettes, du café soluble ou de la viande de porc, comme leurs compatriotes avaient coutume de le faire pour les revendre ensuite à Iassy. Non, ces deux-là traînaient une drôle de construction, ressemblant à s’y méprendre à un cirage bon marché ou… »
Page 241 : » – Snegur, le premier président de la Moldavie, a ordonné de placer ce coffre-fort ici, commença le conseiller. Il y a laissé un message pour ses successeurs, me chargeant d’en transmettre le contenu au président qui récupérerait la Moldavie quand le déclin du pays serait total.
– Hum, marmonna Lupu. D’où pouvait-il tenir que le pays connaîtrait un déclin total ?
- Parce que le pays est en déclin depuis sa création, lui expliquer le conseiller. Sauf que dans les premiers temps, nous serions encore de quoi manger, boire et voler. Voici donc la mission qui vous est destinée, votre Excellence !
D’un geste de la main, Lupu ordonna au conseiller de s’écarter et ouvrit le message. La feuille comportait quelques mots tracés de l’écriture grossière de Snegur : “Quand le pays aura touché le fond, déclare la guerre à quelqu’un”. »
Mon avis
Voilà un drôle de roman ! De quoi aborder le sujet des différences entre les pays européens avec humour et ironie. Et de quoi rappeler que l’Europe est une mosaïque hétéroclite où l’argent manque en de nombreux endroits. Un joyeux moment de lecture !
« Des mille et une façons de quitter la Moldavie », de Vladimir Lortchenkov, Mirobole Editions, 20€