Sélection prix Roblès 2015
Aux antipodes de l’univers de « Karpathia », nous voilà au Venezuela, là, au pays d’Octavio. Poursuivons ainsi notre découverte des six premiers romans sélectionnés pour le prix Roblès 2015 dont nous connaitrons le lauréat au mois de juin.
Avec « Le voyage d’Octavio », Miguel Bonnefoy livre une fresque picaresque et une fable baroque.
Dans ce premier roman – Miguel Bonnefoy est cependant déjà l’auteur d’un recueil de nouvelles « Icare et autres nouvelles », salué en 2013 par le prix du Jeune écrivain de langue française – l’auteur franco-vénézuelien plonge ses lecteurs dans l’univers d’un jeune paysan analphabète qui, d’aventures en rencontres, découvrira l’amour et l’écriture.
Tous les codes du roman picaresque sont là. L’histoire d’un héros miséreux qui vit des aventures extravagantes et pittoresques alors, en toile de fond un pays aux accents magiques et aux allégories joyeuses.
Si le livre s’ouvre sur l’épidémie de peste qui s’abat sur le village de Saint-Paul-de-Limon, il nous fait suivre, des décennies plus tard, le jeune Octavio. Il prête ses bras et sa force à tous ceux qui le lui demandent. Même les voleurs, commandés par le cultivé mais terrible Guerra. Il rencontrera la belle Venezuela qui lui apprendra les mots et l’écriture avant de fuir, une fois encore.
On le suit de page en page, arpentant son pays, entre légendes, poids de la religion et celui, plus cruel encore, de la société. On découvre ainsi le Venezuela, pays de l’auteur qui a d’ailleurs écrit « Le voyage d’Octavio » directement en français. Né d’une mère vénézuelienne et d’un père chilien, Miguel Bonnefoy a grandi entre la France, Caracas et le Portugal.
Extraits
Page 43 :« Ici, on parlait du banditisme avec respect, comme d’un art, ou bien d’un métier délicat. Guerra était entouré d’une confrérie de vieux cambrioleurs qui ressemblaient à des alchimistes, tous décidés à revenir à une époque où la crasse et la rusticité n’étaient pas encore entrées dans les moeurs. L’argent du butin se rassemblait dans une cagnotte commune et se distribuait à parts égales. La majortié suivait l’Evangile, d’autres priaient confusément la Vierge, les saints et tous les morts du cimétière. Ces hommes n’étaient ni des Lacenaire, ni des Villon, ni des Caravage. C’étaient seulement des êtres de nulle part, exerçant un métier cruel avec rigueur et passion. »
Page 70 :« La faim les traîna jusqu’aux cimétières. Ils fourragèrent au fond des tombes, pillant dans l’obscurité des caveaux, trouvant de petites croix en bronze épinglées à des haillons, des rosaires en nacre, des ceintures brodées en perle de verre. Ils découvrirent une fois une petite statue yanomami transformée en lutrin où les pages d’une bible avaient été dévorées par la vermine. Ils devinrent si miséreux que, du côté du péché, la moral penchait pour eux. »
Page 85 : « A partir de ce jour, le voyage d’Octavio ne fut plus celui du mendiant. Son errance prit une purelé telle qu’elle semblait inviter tout homme à la suivre aveuglément. La disparition de l’hôte lui laissa un émoi brutal qu’il transforma aussitôt en élan de curiosité. Il ne sortir pas de la forêt de San Esteban. Il préféra parcourir les hameux en bordure de l’autoroute vers Moron.
Il s’engagea dans les lisières, entre Las Trincheras et El Cambur, où il trouva des villages si isolés qu’on n’y recevait pas de courrier. Là où il passait, il apportait toujours la richesse des moissons, la bonne récolte, les nouvelles d’un hameau voisin. Il marchait dans les rues entre les chats et les chèvres, la boue jusqu’aux chevilles, vêtu d’une étoffe légère, ceinte d’une courroie, où il avait accroché un sac rempli d’akènes et de fruits secs. Il portait en bandoulière les pattes d’un coq dont il avait mangé la moitié et salé le reste pour une autre bouche que la sienne. »
Mon avis
Voilà un hymne au Venezuela ! Et un premier roman tout en poésie et en allégories. Quelques moments savoureux dans ce roman, mais je n’ai pas été sensible à l’atmosphère qui s’en dégage.
« Le voyage d’Octavia », de Miguel Bonnefoy, Rivages.