Sélection prix Roblès 2015
Nouvelle découverte parmi les six premiers romans sélectionnés pour le prix Roblès 2015 ( organisé par les bibliothèques et alimenté par les avis émis au sein des nombreux comités de lecture), qui sera décerné en juin, dans le Loir-et-Cher. Cette fois, c’est à un véritable voyage dans le temps que nous convie l’auteure, Béatrice Castaner qui signe avec « Aÿmati », un roman atypique dans sa construction et sa langue. Tout en sensibilité. Mais étrange.
Béatrice Castaner, agée de 54 ans, signe avec « Aÿmati » un roman pour le moins original. Secrétaire générale du festival des Francophonies en Limousin, elle vit et travaille à Limoges, après avoir fait des fouilles archéologiques et du théâtre.
L’histoire ? Elle est triple. Trois périodes se mélangent, se répondent. Trois femmes racontent leur histoire à travers celle de leurs congénères.
Aÿmati, une jeune femme de 30.000 ans, vit sur le continent européen. Mära, elle, va naître en Amérique du Nord. L’une et l’autre sont les deux dernières représentantes de leur espèce, néandertalienne pour la première, sapiens pour la seconde. Le seul lien entre elles ? Une statuette en ivoire.
Dans les années 2000, il y a aussi Gabrielle, archéologue française qui sera l’articulation entre les deux espèces. Elle travaille avec Myn, qui en 2030, a fondé un parc africain en primatologie. Vingt ans plus tard, tout sera détruit, même les espèces…
Au fil des pages et des chapitres, les trois personnages et leurs récits se croisent, se répondent. Les questions se posent : celle de la transmission, celle de l’héritage aussi. A travers l’art notamment.
Extraits
Page 41 :« Durant quatre jours, Aÿmati a parlé massé chanté caressé embrassé transmis à Jy le récit de leur clan, pour que Jy le reçoive de l’autre côté de la vie. Elle a dessiné sur son corps à l’ocre rouge les animaux qui l’ont nourrie pour que Jy les retrouve là-bas. Durant quatre nuits Aÿmati a tenu à distance les hyènes qui sont venues se nourrir de l’odeur de la mort. Qui exigeaient leur dû, ce corps qui pourrit, pour le démembrer le décharner, casser ses os, engloutir la moelle et s’en repaître quelque temps. »
Page 47 :« Elle sculpte, avec ses pointes de silex, les morceaux d’ivoire posés tour à tour sur ses genoux protégés par une pièce de cuir. Sur chaque figurine, aucune bouche ne s’ouvre pour laisser passer les mots. Les parles sont entre les lèvres d’Aÿmati, sont dans le murmure qu’elle transmet à chaque statuette, dans les histoires qu’elle mène avec chacune, pour rester en vie. »
Pages 108-109 :« Tu sais ce que sont les racines, Mära ? Les racines, celles qui t’ancrent dans la terre où tu es née. pas les racines gorgées de sang qui te sont données à ta naissance; non plus celles qui te rattachent à un lieu géographique, à une langue ou à une culture. Non, celles-ci sont éphémères ou tronquées parfois pour en faire des armes de guerre. Oserais-je dire les “vraies” racines ? Mais il n’y a pas de vérité qui ne s’envole lorsque nous croyons l’atteindre. Alors comment te dire ? Les racines, celles données par le vivant. Celles qui ont repris attache en moi lorsque j’ai eu Poss dans les bras, il y a huit ans. »
Mon avis
Voilà un livre étonnant ! Tant par son sujet que dans sa forme. Une très jolie découverte ! Le lauréat 2015 ? Allez savoir. Des quatre premiers romans sur les six sélectionnés que j’ai lus, c’est, de loin, le plus original. Mais, patience, le lauréat sera connu d’ici quelques semaines. En attendant, bonne lecture !
« Aÿmati », Béatrice Castaner, Serge Safran éditeur, 14,50€.