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En face, une autre vie ?

Sélection prix Roblès 2015

EN FACE Changer de vie, ça vous dit ? Le héros ( enfin, c’est vite dit!) de Pierre Demarty a décidé, un jour, de franchir la porte de son appartement, de traverser la rue et de s’installer dans un appartement situé en face de celui qu’il occupait jusque-là avec femme et enfants. Telle est l’histoire de ce premier roman, également sélectionné pour le prix Roblès 2015 dont le lauréat sera connu ce vendredi 12 juin. J’ai donc achevé la lecture des six romans sélectionnés de cette édition par « En face ».

L’histoire ? C’est celle que je vous ai racontée à la première ligne. Et c’est tout ? A peu-près. Au fil des pages, Pierre Demarty, via le narrateur, copain de bistrot  rencontré aux Indociles heureux nous plonge dans la vie de Jean Nochez ( certains y ont reconnu l’anagramme de l’auteur Jean Echenoz). L’homme tient une boutique de philatélie. Il vit avec Solange, son épouse insignifiante, et leurs deux enfants. Et un jour, Jean décide de changer de vie, de décor, d’horizon. Mais à quelques mètres seulement de son autre vie.

Pierre Demarty, malheureusement très (trop) bavard nous emmène dans ce voyage immobile aux côtés de son anti-héros. On y parle de Paimpol, de l’Islande, de timbres et de piliers de bistrot. Mais aussi d’un amant, d’un drakkar et de disputes conjugales.

Extraits

Pages 36-37 : « Pendant longtemps, Nochez ne sait pas quoi, ni quoi penser. Ergo, non cogitat. C’est juste un homme seul et debout dans un appartement vide, et il faut se représenter cette chose considérable.

Quand il rentre chez lui toutefois, le début du perplexité qui l’a à son insu assailli, et dont il aurait senti, à condition de prêter tant soit peu d’attention à cette impression fugitive, la poigne moite le saisir par l’échine pour le pousser au bord du vertige, a tôt fait de se dissiper, annihilé d’un coup, comme d’un coup de semelle déchaussée on expédie une blatte ad patres ou d’un coup de fil un importun, par la reprise brutale du cours de la vie de Jean Nochez, avec son terrible cortège d’encombrements joyeux, les enfants qui piaulent, la télé qui gueule, ou le contraire, et Solange qui prépare : un gratin. »

Page 63 : « Ainsi commença pour Jean un long et dernier printemps – après quoi, il entrerait pour toujours dans l’hiver. Armés de la boussole et du compas troubles de nos beuveries, de loin en loin nous en observâmes le doux cataclysme, mesurant l’avancée de la fonte des masques. De même que la mer à chaque ressac charrie des coquillages toujours un peu plus ébréchés, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus à la fin des temps que du sable pâle, ainsi chacune des visites de Nochez nous mettait en présence d’un homme un peu plus décomposé. »

Page 163 : « Le problème, ce n’est pas tant d’avoir dû prématurément renoncer à son grand voyage en solitude, contraint à l’abandon par la force des choses plutôt que par celle de sa volonté propre. Non, ça renoncer, il a l’habitude ; c’est, chez lui, comme on dit, une seconde nature (quoique encore faudrait-il déterminer en quoi consiste la première) ; c’est l’oeuvre de toute une vie.

Ce n’est pas non plus d’avoir découvert une face de Solange jusqu’ici demeurée cachée mieux que celle de la lune. Ca, au fond, c’est presque une bonne surprise. On est content pour elle. C’est un peu dégoûtant, bien sûr, et un peu contrariant, eu égard à l’amour-propre, mais enfin, pour ce qu’il en reste, de ça, on s’en remettra. Et puis on la comprend, Solange, elle a toutes les circonstances atténuantes du monde : à sa place, moi aussi je m’aurais été infidèle. »

Mon avis

L’idée du roman était peut-être originale… elle est malheureusement noyée par les mots et les digressions du narrateur, donc de l’auteur qui donne l’impression de s’écouter écrire. Dommage. Ce n’est pas à ce roman que je donnerai ma voix ! Rendez-vous vendredi pour connaître le lauréat 2015 !

 « En face », Pierre Demarty, Flammarion, 17€

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