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Rentrée littéraire

VIGAN OKPoursuivons notre découverte des nouveautés de cette rentrée littéraire, riche et féconde. Cette fois, nous retrouvons Delphine de Vigan dont le nouveau roman sort ce mercredi 26 août. Souvenez-vous. En 2001, elle signait le roman « Rien ne s’oppose à la nuit », un formidable témoignage d’amour à sa mère, mais aussi un portrait sans concession, qui avait choisi, plusieurs années auparavant, de mettre fin à ses jours. Quatrième de couv en avait parlé ici.

Un véritable succès de librairie ( plus de 300.000 exemplaires, excusez du peu! ). Une expérience qui a visiblement servi de terreau à l’écriture de ce nouveau opus qui oscille entre réalité et fiction.

L’auteure a-t-elle, comme la narratrice été victime d’une amie qui, au fil des jours et des mois a pris possession de sa vie, de ses envies ? En trois parties, elle mélange réalité et fiction pour faire naître un thriller efficace.

A l’heure où le Vrai est exposé en Graal, Delphine de Vigan nous livre une leçon de ce qu’est l’écriture.

Delphine de Vigan a 49 ans. Son premier roman, « Jours sans faim » est paru en 2001, sous un pseudo. En 2007, elle avait publié « No et moi », un roman à succès, d’ailleurs adapté au cinéma. En 2008, Delphine de Vigan a participé à la publication de « Sous le manteau »,  un recueil de cartes postales érotiques des années folles. L’année d’après, elle publie « Les heures souterraines ». Puis, en 2011, « Rien ne s’oppose à la nuit ». Delphine de Vigan vit avec le critique littéraire et animateur, François Busnel.

Au fil des pages, on découvre une narratrice (dont la vie ressemble fortement à celle de l’auteure) qui, dépassée par le succès et les dommages collatéraux provoqués par la publication de son précédent livre, personnel et basé sur la réalité, se laisse peu à peu happée par l’influence d’une de ses amies, qu’elle rencontre lors d’une soirée.

Entre la narratrice et L., une relation qui deviendra mortifère, va se mettre en place. L. phagocyte  l’univers de l’auteure, celui de la mère de la famille et de l’amante aussi. Jusqu’au point de non-retour ?

Un roman envoûtant qui se lit très facilement. Et pour cause. On peut savoir, on veut comprendre comment cette situation a pu s’installer. Insidieusement.

Extraits

Pages 16-17 : « J’avais écrit un livre dont je n’avais pas imaginé la portée.

J’avais écrit un livre dont l’effet au sein de ma famille et autour de moi se diffuserait en plusieurs vagues, dont je n’avais pas anticipé les dommages collatéraux, un livre qui ne tarderait pas à désigner mes appuis indéfectibles mais aussi mes faux alliés et dont les effets retard se prolongeraient longtemps. Je n’avais pas imaginé la multiplication de l’objet et ses conséquences, je n’avais pas imaginé cette image de ma mère, reproduite par centaines puis par milliers, cette photo mise en jaquette qui avait largement contribué à la propagation du texte, cette photo qui très vite s’était dissociée d’elle et désormais n’était plus ma mère mais le personnage du roman, trouble et diffracté. »

Pages 128-129 : « […] Tes lecteurs n’attendent pas qu’on leur raconte des histoires pour qu’ils s’endorment en paix ou pour les consoler. Ils se moquent des personnages interchangeables, transposables d’un livre à l’autre, ils se moquent des situations plus ou moins plausibles tricotées avec agilité mais qu’ils ont lues déjà vingt-cinq fois. Ils s’en contrefoutent. Tu leur as prouvé que tu savais faire autre choses, que tu pouvais t’emparer du réel, en découdre avec lui, ils ont compris que tu cherchais une autre vérité et que tu n’avais plus peur.

Nous n’étions plus dans la tension que j’avais ressentie dans sa cuisine quelques semaines plus tôt. Nous étions deux amies parlant de mon travail, et de ses conséquences, et j’étais touchée que L. se sente si concernée par le sujet.

L. ne se demandait pas si j’étais capable d’écrire quelque chose après ça. L. était certaine que j’en étais capable et avait une idée très précise de la tournure que cela devait prendre. »

Page 236 :« L’écriture était mon terrain le plus intime, le plus isolé, le plus protégé. Le moins partagé. Une zone franche, égoïstement défendue. Barricadée. Une zone que je n’évoquais qu’en surface, avec parcimonie. Le plus souvent, je parlais avec mon éditrice avant d’entamer un livre, puis se passaient de longs mois avant que je lui envoie une première version du texte terminé.

Ainsi avais-je toujours avancé.

Voilà ce que L. avait très vite compris : l’écriture était un territoire retranché, interdit aux visiteurs. Mais maintenant, ce territoire était miné, assailli par le doute et la peur, et cette solitude me devenait insupportable.

Je voulais me battre seule mais j’avais besoin d’un aillé. »

 

Assurément l’un des romans forts de cette rentrée littéraire.  A découvrir.

« D’après une histoire vraie… », Delphine de Vigan, JC. Lattès.

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