Plonger dans un roman, en général court, ou un recueil de nouvelles de Yôko Ogawa est toujours une expérience. Et pour cause.
L’auteure japonaise, née en 1962, a su inventer, au fil des livres, un univers à l’atmosphère bien particulière. Les enfants y côtoient souvent les personnes âgées, tous mus par une envie de transmission et une quête de confiance. Les animaux ne sont jamais loin, la mort aussi y a sa place, décrite comme une avancée paisible…
Et puis il y a la mélancolie, la nostalgie, vite rattrapées par le surnaturel, l’étrange, le bizarre qui s’emparent du quotidien et qui transforment ces petites histoires en aventures assez curieuses.
Le nouveau recueil de Yôko Ogawa, « Jeune fille à l’ouvrage » n’y échappe pas.
Au fil des pages, dix nouvelles. Dix histoires imbibées de magie, toujours à la limite du monde tangible. Reste juste à se laisser prendre par les mots de l’auteure. Ce recueil a été publié il y a vingt ans déjà au Japon. A survoler la bibliographie d’Ogawa, on compte encore vingt-deux livres parus dans les librairies nippones et non encore traduits chez nous ! Largement de quoi aller plus loin encore dans la découverte de l’écriture simple mais percutante de cette auteure.
Extraits
Page 120 ( dans « L’encyclopédie ») : « J’ai enfoncé profondément mes dix doigts sous mes sourcils. Les os me gênaient, mais le bout de mes doigts a glissé plus facilement que je ne le pensais derrière mes globes oculaires. Et après une expiration j’ai tiré vers l’avant. Il ne m’a pas fallu beaucoup de force. Mes paupières ont papillonné une ou deux fois et mes yeux n’ont pas tardé à se retrouver sur mes paumes. La sensation était tiède et moite. »
Page 145 (dans « L’autopsie de la girafe ») : « J’ai commencé à faire du jogging sept jours après avoir avorté. Suivant les conseils de l’infirmière, j’étais restée cinq jours sans travailler, à somnoler toute la journée dans mon lit. Sans faire un pas hors de chez moi, ni prendre un bain. »
Page 214 (dans « La crise du troisième mardi ») : « Bien sûr je savais que ce n’était pas par amour mais qu’il s’agissait de sa façon de faire. Je comprenais beaucoup de choses alors que j’étais censée ne rien savoir de ce que les hommes font dans ces moments-là. Par exemple qu’il obéirait aussitôt si je lui disais que je ne voulais pas, qu’il transpirait au point que la sueur coulait le long de son dos, ou que le vent s’étant levé, les mousses du bassin oscillaient. »
« Jeune fille à l’ouvrage », Yôko Ogawa, Actes Sud, 20€