Une cadence. Christian Oster la tient. Allure régulière pour l’ancien auteur des Editions de Minuit passé aux Editions de l’Olivier. Ce dernier nous revient avec « La vie automatique ».
Roman après roman, Quatrième de couv le suit. Ici, « En ville », là, « Rouler »et encore « Le coeur du problème ».
Bref, Christian Oster fait partie de la maison ! Avec « La vie automatique », nous entraîne dans la vie de Jean Euguerrand. Une vie qui va subitement échapper à ce dernier. Acteur de série B, Jean vit désormais seul. Un accident domestique provoque l’incendie de sa maison.
Plutôt que d’appeler les pompiers, Jean fait sa valise et s’en va. Monte à Paris où il doit tourner quelques jours plus tard. Il s’invente une nouvelle vie. S’enferme dans la fiction, celle-là même qui le fait vivre depuis des décennies. Et se laisse porter par les rencontres qu’il fait. Résigné.
Il rencontre France Rivière, une actrice toujours célèbre qui l’installe chez lui. Loin de sa vie, il prend le fils de cette dernière sous son aile. Charles sort d’un séjour en hôpital psychiatrique. Jean s’accroche à ses pas.
Une fois encore, Christian Oster a l’art de la loufoquerie, manie l’absurde avec brio pour nous rappeler que tout ne tient souvent qu’à un fil. Une écriture fluide… comme une petite musique. Un rendez-vous.
Extraits
Page 19 :« J’ai ouvert la penderie. Comme j’étais déjà habillé, je me suis contenté de regarder mes affaires. Une étagère, trois cintres, c’était tout moi. J’ai refermé. Je suis sorti m’acheter un carnet à spirale, je me suis installé dans un café et j’ai fait mes comptes. Je me suis octroyé une semaine à l’hôtel. Au-delà, financièrement, je prenais des risques. Je ne dis pas que je n’aurais pas pu vendre la maison. J’aurais pu. Je ne dis pas que je n’avais pas tout détruit, en me laissant très peu de chances. J’avais tout détruit, en me laissant très peu de chances. Je ne dis pas non plus que je n’avais pas voulu me faire du mal. Et me détruire moi. Mais je m’étais fait aussi beaucoup de bien. »
Pages 51-52 :« Dans la chambre, tout était calciné. C’était comme d’entrer dans la vie et d’en considérer l’achèvement ou, au choix, la finition. Au plafond, par une trouée près d’un mur contre quoi le feu avait laissé comme la trace d’un ancien conduit de cheminée, on avait vue sur les combles. Evidemment, tout était à peu près noir ou gris et, quand je suis passé dans la bibliothèque, j’ai vu qu’elle avait formé une sorte d’effondrement feuilleté, dont les aspérités rappelaient une sédimentation schisteuse. Au mieux, si je prenais du recul, les lieux évoquaient une façon de vaste et hâtif traitement au fusain, avec ça et là des îlots aquarellés dans des teintes douces. Le mobilier, où se distinguaient des parties saines, avec cessé de souffrir. »
Pages 119-120 :« France invitait maintenant des gens, qu’ils fussent ou non du métier. Ceux-là ne me connaissaient généralement pas comme acteur, ce qui ne m’affectait guère mais me déstabilisait, car autant je me projetais mal dans le temps et dans l’amorce de mon identité nouvelles, autant revenir à l’image que je m’étais forgée d’acteur absolument obscur me renvoyait en arrière, fût-ce de quelques jours, et ça ne me convenait pas, je ne supportais plus de me retourner sur rien, je refusais que le passé même récent vînt s’agglomérer à l’ancien dans la même boule de hantise, chaque jour qui passait, donc, basculant aussitôt dans un oubli d’où je faisais en sorte qu’il ne ressortît pas en le maintenant sous l’eau comme une tête. Il ne me restait donc, faute de voir vers l’avant, que la consommation hébétée du présent. »
« La vie automatique », Christian Oster, les Editions de l’Olivier, 16,50€.