Un premier roman ? Youpi ! Et celui d’Adeline Dieudonné, une Belge de 35 ans, est une réussite. Un roman initiatique, acide et drôle. Qui, par moments, vous glace aussi les sangs.
Bref, « La vraie vie » est une histoire étrange qui vous garde en alerte jusqu’à la dernière ligne…
Tous les ingrédients du conte y sont, distillés dans un décor de cité pavillonnaire contemporaine sans âme. C’est là que la narratrice, que l’on suit de l’âge de 11 ans à celui de 15 ans, vit entre une mère éteinte, effacée et battue, qu’elle compare à une amibe ; un père violent qui bat sa femme, regarde (trop) la télé et boit (trop) de whisky et un petit frère, Gilles de quatre ans son cadet, devenu mutique après avoir assisté à un accident mortel aussi comique que tragique.
Alors la pré-adolescente va se battre. Remuer ciel et terre pour que son petit frère retrouve le sourire et cesse de martyriser les animaux… A l’ombre de la hyène empaillée, trophée de leur père chasseur, elle va imaginer un plan : remonter le temps. Retrouver le moment d’avant le drame. Elle cherche, met un scénario au point ( il ne lui manque qu’une nuit d’orage), veut être aussi savante que Marie Curie pour y parvenir…
Au fil des pages, celle dont son père voudrait faire une proie, va se battre. Physiquement résister à cet environnement toxique. Tout en découvrant la sensualité et des sensations que son corps va emmagasiner pour lutter encore plus fort… La narratrice est une guerrière. Et veut rester vivante.
Un premier roman étonnant, bouillant, électrisant. Adeline Dieudonné – auteure de trois nouvelles et d’une pièce de théâtre qu’elle a d’ailleurs également jouée – l’a écrit en écoutant très fort de la musique métal. Un signe
D’ailleurs, depuis sa sortie, ce premier roman engrange les distinctions : prix du Roman Fnac, prix Filigranes, prix Première Plume… et le Renaudot des lycéens.
Un extrait de l’émission « La grande librairie » dans laquelle Adeline Dieudonné raconte la genèse de son premier roman :
Extraits
Page 45 :« Je crois que mon père n’aimait pas son travail. Il était comptable au parc d’attractions qui avait mis le zoo en faillite. « Les gros mangent les petits », il disait. Ça avait l’air de lui faire plaisir. » Les gros mangent les petits. » Moi,e je trouvais ça incroyable de travailler dans un parc d’attractions. Le matin, quand je partais à l’école, je me disais : » Mon père va passer sa journée au parc d’attractions. »
Ma mère ne travaillait pas. Elle s’occupait de ses chèvres, de son jardin, de Coco et de nous. Elle s’en fichait d’avoir de l’argent à elle. Tant que sa carte de crédit passait. Ma mère n’a jamais semblé gênée par le vide. Ni par l’absence d’amour. »
Page 113 :« J’aimais la nature et sa parfaite indifférence. Sa façon d’appliquer son plan précis de survie et de reproduction, quoi qu’il puisse se passer chez moi. Mon père démolissait ma mère et les oiseaux s’en foutaient. Je trouvais ça réconfortant. Ils continuaient de gazouiller les arbres grinçaient, le vent chantait dans les feuilles du châtaignier. Je n’étais rien pour eux. Juste une spectatrice. Et cette pièce se jouait en permanence. »
Page 127 :« […] Moi, je voulais avancer. J’avais treize ans et on me parlait encore de la composition de la cellule. Et je n’aimais pas non plus mon prof parce qu’il était mou. Il avait démissionné de tout. Son odeur était le premier signe de son laisser-aller, mais tout le reste suivait. D’ailleurs, tout le monde à l’école était mou. Les profs, les élèves. Les uns étaient bêtement vieux et les autres allaient vite le devenir. Un peu d’acné, quelques rapports sexuels, les études, les gosses, le boulot et hop ! Ils seront vieux et ils n’auront servi à rien. Moi, je voulais être Marie Curie. Je n’avais pas de temps à perdre. »
« La vraie vie », d’Adeline Dieudonné, L’Iconoclaste, 17€