David Foenkinos, je l’ai rencontré au hasard d’un salon littéraire, à Saumur. C’était au début des années 2000. Il venait de sortir son premier roman, » Inversion de l’idiotie ». Je me souviens d’un chouette moment avec un auteur à l’univers atypique, avec une plume bien sentie. J’avais aimé. Je l’ai suivi quelques années. Avant de passer à autre chose. Lui, est devenu un auteur à succès, télégénique en plus
Son dernier roman m’a intrigué. A cause de la promotion faite autour. Je me suis dit, il se passe un truc, là, non ? Alors j’ai plongé dans « Deux sœurs ». Et ? Eh bien, pas grand-chose. Mais je vous raconte quand même maintenant que j’y suis.
L’histoire ? C’est celle de Mathilde. La trentaine. Avec Etienne, elle forme un couple heureux. Du moins le croit-elle. Professeur de français dans un lycée, elle adore son métier et ses élèves.
En Croatie, alors qu’ils étaient en vacances, Etienne a évoqué l’idée de se marier, de fonder une famille. Sauf qu’Etienne va la quitter. Brutalement. Soudainement. Iris, son ancienne compagne, est rentrée de l’étranger. Ils se sont vus. Vont se revoir. L’univers de Mathilde s’effondre.
Le proviseur du lycée tente de l’aide. Sa voisine psychiatre aussi. Mais Mathilde sombre. Perd provisoirement son travail. Et ne peut plus rester dans l’appartement qu’elle occupait avec Etienne. Elle s’installe chez sa soeur, Agathe dans le petit appartement qu’elle occupe avec son mari Frédéric et leur fille Lili.
Une cohabitation éprouvante se dessine. Mathilde jalouse sa sœur, mais va se rapprocher beaucoup de sa petite nièce. Elle fera de même avec son beau-frère. Au point de déséquilibrer le couple et la famille de sa sœur.
Et puis il y a un drame au coeur de ce huis-clos familial.
Inutile de vous dire que ce roman est sombre. Particulièrement sombre. Qu’il nous dépeint une personnalité glaçante, inattendue. Et surtout, qu’il est cousu de fil blanc. J’ai donc perdu (un peu de mon) temps.
Extraits
Page 65 : « Avec les jours, la colère augmentait. Jamais elle n’avait ressenti une telle haine ; cela lui faisait presque mal dans la poitrine ; c’était effroyable. Depuis toujours, elle détestait ces histoires de jalousie, d’agressivité, elle essayait sans cesse de chasser toute pensée négative ; elle était incapable de comprendre cette force noire qui la happait et la plongeait dans des pensées morbides. C’était absurde. Il n’y avait rien à faire. Le cœur de l’autre est un royaume impossible à gouverner. Il faut se taire et accepter. Ou, éventuellement, mourir. »
Page 120 : « […] Mathilde s’excusa pour ce ratage. Agathe finit par proposer : “Allez-y tous les deux. On prendra une baby-sitter pour Lili.” Ils avaient un peu protesté, mais il était évident que c’était la meilleure solution pour ne pas gâcher les billets. Un peu plus tard dans la soirée, Agathe se leva de son lit. Elle alla vérifier quelque chose dans son agenda. A la date du 24 novembre, elle avait bien noté sa soirée à la banque. Mathilde avait déjà fouillé dans ses affaires, alors elle aurait pu tout à fait tomber sur cette information. Aurait-elle pu prendre intentionnellement des places ce jour-là ? Non, ce n’était pas possible. Elle n’aurait pas fait ça. Mais il fallait admettre qu’elle agissait d’une manière si imprévisible parfois. Agathe ne savait plus que penser, alors elle préféra se dire que toute cette histoire n’était qu’un malheureux concours de circonstances. »
Page 154 : « Le mardi suivant, Mathilde se prépara pour aller à cette soirée d’anniversaire qui n’existait pas. Le reflet parfait de son existence. Il lui semblait vivre chaque jour davantage une vie qui n’existait pas. Elle errait dans un royaume où ses actions n’arrivaient pas à s’incarner concrètement. Si son passé devenait flou, l’avenir prenait la forme d’une lubie à laquelle personne ne pouvait croire. Les deux sœurs se souhaitèrent mutuellement une bonne soirée, et Mathilde ajouta : « Tu embrasseras bien Emmanuel pour moi. » Avec un sourire qui lui barrait le visage, Agathe répondit qu’elle n’y manquerait pas. Rien ne valait un petit trait d’humour, y compris le plus dérisoire ou le plus minable, pour faire croire que tout allait bien. Leur relation devenait franchement pathétique. »
« Deux sœurs », David Foenkinos, Gallimard, 17€