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Troisième roman pour Elisabeth Filhol. Et troisième univers décliné au fil d’une langue précise et claire. Cette fois encore, en découvrant la couverture sur la pile d’une table de librairie, je n’ai pas hésité.

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Cette auteure quinquagénaire sait arpenter des terrains d’écriture pour le moins exotiques. Son premier roman, « La centrale », nous avait menés dans le monde des sous-traitants du nucléaire. Le second, « Bois II », dans celui des patrons, via la séquestration de l’un d’eux.

Élisabeth Filhol a grandi et a fait sa scolarité à La Rochelle. Diplômée du Master Finance d’entreprise, elle a d’abord travaillé en audit, puis en gestion de trésorerie, principalement en milieu industriel, et plus tard dans le conseil aux comités d’entreprises. Elle vit à Angers.

L’histoire de ce troisième roman ? Elle commence par une tempête qui s’annonce. Qui arrive. Xaver va bientôt déferler ( une vraie tempête née le 4 décembre 2013 qui a provoqué la mort de neuf personnes et des milliers de sinistrés) sur les côtes du nord de l’Europe.

Ted Hamilton surveille cela de très près. C’est son métier. Installé dans le Devon, il surveille, il anticipe. Et prévient sa sœur, installée à plusieurs centaines de kilomètres de là, qu’il ne vaut mieux pas qu’elle prenne l’avion pour se rendre au Danemark, pour un colloque.

Margaret, chercheuse, mariée à un chercheur, elle est mère d’un fils jeune adulte – ,  s’y rendra cependant. Pour le colloque, pour son sujet de recherche aussi. Des décennies que cette quadragénaire travaille sur le Doggerland.

 

Le Doggerland ? Il y a 8.000 ans, il s’agissait d’une étendue de terre, située dans la moitié sud de la Mer du Nord. Elle permettait de rejoindre, à pied, la Grande-Bretagne au Danemark. Mais vint le « storrega », comme un immense tremblement de terre, qui a tout fait disparaître au fond de la mer… Margaret a voué sa vie à son dossier d’étude. Si loin des préoccupations de Marc, ingénieur pour le secteur pétrolier.

Il y a vingt-cinq, le petit Frenchie étudiant comme elle au département de géologie de Saint-Andrews. Marc, aux épisodes dépressifs parfois violents, l’a quittée précipitamment pour rejoindre une plateforme offshore. Ils ne sont plus vus. Mais se sont toujours suivis de loin en loin. Cette fois, ils se retrouvent. C’est le temps des questions. Celle des regrets ?

 

Extraits

Pages 149-150 :  » De ce passé complexe, riches en fractures et en rebondissements, à l’aplomb duquel aujourd’hui sont ancrées des centaines de plateformes qui brillent dans la nuit et dessinent, vues du ciel, un long ruban lumineux telle une constellation d’étoiles dont on aurait perdu le récit des origines, mais qui dans une vision cosmogonique, reproduirait en surface le tracé de la vallée perdue ; de cette histoire ont surgi des ressources abondantes et son lot de menaces, et sur ce terrain l’Homme par son activité n’est pas en reste, qui ne fait que majorer les déséquilibres, éventuellement en créer de nouveaux ; et quand une colonne de gaz se déplace, remonte le long d’une faille, modifie la pression d’un réservoir, et finalement fait exploser le puits, libérant autour de la plateforme un énorme nuage de méthane, c’est l’accident d’Elgin, le 25 mars 2012, le plus gros accident depuis l’embrasement de Piper Alpha 25 ans plus tôt, et qui aurait pu être tout aussi meurtrier, si le vent ce jour-là n’avait pas soufflé dans le bon sens, s’il n’avait pas poussé le nuage de gaz dans la direction opposée à la torchère. » 

Page 275 : « […] Elle lui raconte sa théorie de la carte d’Afrique. Des gens dont l’intériorité est comme une carte d’Afrique au XVIIe siècle. Et ça commence par ce regard qu’on tourne vers soi dès l’enfance, qui est un cadeau offert à notre espèce, auquel chacun s’exerce sans y penser, avec de plus en plus d’acuité en grandissant. Sauf que chez certaines personnes, des gens comme elle, ça ne marche pas. »

Page 289 : 

«  – Quand j’ai ouvert ce faire-part, dit Marc, avec son beau papier et son enveloppe dactylographiée, sans pouvoir douter que tu en avais pris l’initiative, je me souviens parfaitement où j’étais, à mi-chemin entre la boîte aux lettres et la véranda, arrêté dans l’allée, au milieu de ce jardin luxuriant qui entourait la maison. J’ai appris en une seule phrase, à la fois ta relation avec Stephen, votre mariage puisque tu avais changé de nom, et la naissance de votre fils. Moins de deux ans après mon départ. Sauf que dans ma tête, je ne t’avais pas quittée. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, avec l’arrogance, l’inconscience qui était la mienne à l’époque, il suffisait que je rentre, comme je l’avais toujours fait, comme Ulysse après son grand tour, pour que je te retrouve, disponible, et que tout recommence comme avant. »

 « Doggerland », Elisabeth Filhol, P.O.L., 19,50€

 

 

 

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