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 Moins de 70 pages ! Pas de doute, Eric Vuillard, prix Goncourt 2017, a l’art de la concision. Et le sens de l’Histoire.
Après « L’Ordre du jour », qui nous annonçait la Seconde Guerre mondiale, il nous emmène à la fin du Moyen-âge pour nous parler des pauvres et d’un certain Thomas Müntzer qui a voulu changer leurs destins, loin de l’office en latin et du pouvoir des princes.  « La guerre des pauvres » est un récit.
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L’histoire ? Nous sommes en 1524 dans le sud de l’Allemagne. Les pauvres se soulèvent. Le mouvement s’étend, gagne la Suisse et l’Alsace. Un jeune homme se distingue, un théologien, Thomas Müntzer.
Un peu trop exalté et radical pour réellement influencer l’Histoire, l’homme a cependant laissé une trace. Et a inspiré Eric Vuillard qui nous demande de le suivre.
Thomas Müntzer a puisé dans la Bible les arguments d’une révolution sociale contre les princes. Et profitera de la révolte des paysans pour diffuser ses idées.
Un récit bref et dense à la fois qui nous emmène également en Grande-Bretagne avant un retour à Zwichau, une des premières villes à avoir introduit la réforme luthérienne.

Ici, Eric Vuillard fait œuvre de mémoire, rendant justice à des milliers d’entre eux qui, un jour, ont fait le choix de lutter le pouvoir qu’il soit économique, social, politique ou religieux, et ceux qui le tiennent.
 Extraits

Page 13 : « Il parle. On l’écoute. Il cite les Evangiles : “Vous ne pouvez servir Dieu et les richesses.”

Il croit pouvoir lire les textes tout simplement, à la lettre ; il croit en une chrétienté authentique et pure. Il croit que tout est écrit noir sur blanc dans saint Paul, qu’on trouve tout ce qu’il faut dans les Evangiles. Voilà ce qu’il croit.

Et c’est cela qu’il va prêcher aux pauvres tisserands, aux mineurs, à leurs femmes, à tous les misérables de Zwickau. Il cite l’Evangile et met un point d’exclamation derrière. Et on l’écoute. Et les passions remuent, car ils sentent bien, les tisserands, que si on tire le fil toute la tapisserie va venir, et ils sentent bien, les mineurs, que si on creuse assez loin toute la galerie s’effondre. Alors, ils commencent à se dire qu’on leur a menti. »

Page 46 : « C’est en essayant d’organiser la révolte en Thuringe, à Allstedt, que Müntzer se détacha des autres prédicateurs. Le fond devint social, enragé. La frange huppée de ses sympathies se mit à prendre peur. Il parlait d’un monde sans privilèges, sans propriété, sans Etat. Il excitait avec force contre l’oppression. Il appelait Luther “la chair qui mène molle vie à Wittenberg”. Il disait : “Il faut que le monde entier reçoive un grand coup ”. »

 Pages 58-59  : « Pourtant la fausse parole transmettra entre les lignes un éclat de vérité. “Ce ne sont pas les paysans qui se soulèvent, c’est Dieu ! ” – aurait dit Luther, au départ, dans un cri admiratif épouvanté. Mais ce n’était pas Dieu. C’étaient bien les paysans qui se soulevaient. A moins d’appeler Dieu la faim, la maladie, l’humiliation, la guenille. Ce n’est pas Dieu qui se soulève, c’est la corvée, la censives, les dîmes, la mainmorte, le loyer, la taille, le viatique, la récolte de paille, le droit de première nuit, les nez coupés, les yeux crevés, les corps brûlés, roués, tenaillés. Les querelles sur l’au-delà portent en réalité sur les choses de ce monde. »

« La guerre des pauvres », Eric Vuillard, Actes Sud, 8,50€

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