Plonger dans les années 70, et plus précisément l’année 1975 ( celle de ma naissance, eh oui !) , ça vous dit ? Jean-Philippe Blondel revient avec un quinzième roman et des thématiques jamais explorées jusque là.
Je vous raconte ? Nous sommes en 1975 donc. En province. Et dans un groupe scolaire. L’école ds garçons côtoie celle des filles et celle des petits. Les instituteurs, que l’on appellera plus tard professeurs des écoles, occupent des logements de fonction. Et partagent le temps et l’espace avec leurs collègues, tout au long de l’année scolaire. Pas si simple.
Alors Jean-Philippe Blondel nous raconte la vie des Brunet, Goubert, Lorrain, Coudrier, Ferrant. Tient une chronique joyeuse et triste à la fois qui mélange les histoires des enfants et celles de leurs parents.
Charles Florimont arrive avec de nouvelles méthodes pédagogiques en vogue, quand Reine Esposito, elle, fait tout basculer en poursuivant le rigide Lorrain de ses assiduités….
C’est drôle, malicieux, émouvant. Et l’écriture, très fluide, nous donne envie de suivre tous les personnages de cette galerie rigolote.
L’auteur parle de son livre ici :
Extraits
Page 89 : « Florimont a eu les coudées franches, dès le mois de septembre. Il a suffi d’un coup de fil de l’inspecteur. Celui-ci, plus finaud qu’il n’en a l’air, n’a pas menacé Lorrain des foudres de Jupiter s’il mettait des bâtons dans les roues de Florimont. Il sait que Lorrain s’épanouit dans l’agressivité et le combat – des années de lutte contre les éléments et les espaces naturels l’ont aguerri. L’inspecteur a repéré le talon d’Achille du directeur de Denis-Diderot : la vanité. Un orgueil qu’il tente de dissimuler mais qui revient au galop dès qu’on empiète sur ses plates-bandes. C’est en souriant que l’inspecteur a alors téléphoné à Lorrain, l’avant-veille de la rentrée, chez lui et non à l’école. »
Page 137 : « […] Passe encore qu’on se morfonde devant un amour inassouvi en se rendant compte qu’on a raté sa vie, mais qu’on fasse en sorte de rattraper le temps perdu, et puis quoi encore ? On est responsable de ses choix. On les assume. Sinon; c’est la chienlit. Toutes ces femmes qui plaçaient leur recherche du plaisir avant leur moralité, c’en était trop. Quelqu’un devait leur rappeler leur rôle et leur devoir, et le destin l’avait choisie elle, Geneviève Coudrier, comme fer de lance de ce nouvel ordre moral. Alors qu’ils s’embrassaient à pleine bouche et en plein Paris, elle se posterait à côté d’eux et se raclerait la gorge. Elle pouvait anticiper le frisson de bonheur qui la parcourrait lorsqu’elle verrait la tête des deux amants confondus. »
Page 242 : « […] On s’était dit que ce n’était pas si grave, tout semblait avoir repris sa place, mais très vite il avait fallu se rendre à l’évidence, les lignes avaient bougé, révélant des failles, des gouffres, des abîmes, de nouvelles aspirations se faisaient jour, des revendications, des décisions. Reine Esposito se mettait à courir le long des murs de briques en hurlant qu’elle voulait être prise, là, maintenant. Geneviève Coudrier se détachait de l’encoignure dans laquelle on pensait qu’elle resterait jusqu’à la fin de sa vie et se mettait à exister pleinement. Janick, guidée par un patron soudain devenu mentor, tirait des plans sur la comète et transformait le quotidien en piste en étoiles. Aucune de ces femmes ne lui demandait rien – elles s’imposaient, dans la démence ou dans l’assurance tranquille, et elles souriaient en ajoutant que le monde ne serait plus jamais le même. Les écoles étaient mixtes. Des inspectrices remplaceraient bientôt les inspecteurs et viendraient s’installer au fond des salles de classe pour juger du travail effectué. Gérard Lorrain et ses amis randonneurs deviendraient en quelques années une survivance, un morceau de cet univers où jadis les hommes pensaient qu’ils menaient la danse. »
« La grande escapade », Jean-Philippe Blondel, Buchet-Chastel, 18€