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Merci le confinement ! Sans lui, il se pourrait bien que je n’aurais eu ce live entre les mains. C’est en parcourant la liste des meilleures ventes de la ma librairie tourangelle préférée que je suis tombée sur « Avant que j’oublie », d’Anne Pauly.

La quadragénaire, qui vit et travaille à Paris, a toujours voulu écrire. Devenue adulte, elle reprend ses études. Et ce sont les premières pages de ce qui allait devenir « Avant que j’oublie » qu’elle a rendu comme projet pour son Master de création littéraire.

Celle qui fut correctrice dans un cabinet d’avocats, puis dans un journal de faits divers avant de rejoindre le secrétariat de rédaction d’un magazine féminin aurait mis quatre ans pour achever son premier roman après avoir trouvé tout un tas de prétextes. « Il fallait en finir avec le deuil », explique Anne Pauly.

Au fil des pages, l’histoire d’un frère et d’une soeur ( la narratrice, qui ressemble beaucoup à Anne Pauly), confrontés à la mort de leur père et au deuil. Une manière de tisser sa propre histoire sur les côtés, en filigrane.

L’occasion pour l’autrice de « revenir avec nuance » sur le personnage de ce père trop vite réduit à celui d’un homme violent, alcoolique, victime aussi d’un certain mépris de classes. Dont Anne Pauly  dit avoir souffert aussi.

A travers cette fiction familiale, Anne Pauly veut aussi évoquer ces hommes et ces femmes qui meurent, anonymes après une vie faite de joies et de peines, de grandes détresses et de bonheurs simples. Comme son père qu’elle dépeint, in fine, grâce à l’enquête qu’elle mène, comme un « contemplatif sensible », sans nier ses côtés moins positifs.

Le ton est sensible, drôle et frais. Un plaisir d’écriture qui, pour ceux qui ont vécu le deuil d’un parent, permettra de (re)plonger dans les bons et les mauvais souvenirs par le prisme d’un alcoolique unijambiste et collectionneur improbable.

Le 8 juin 2020, Anne Pauly a reçu le Prix du Livre Inter.

Extraits 

Page 42 :« Dans la France de Giscard, il fallait se comporter comme un homme et il avait joué, comme tant d’autres, la comédie de son temps. Mais il n’a jamais voulu entendre. Mais il n’a jamais voulu entendre qu’il avait exagéré avec tout ça. Quand il m’était arrivé de lui rappeler, par discrètes allusions, sa période d’imprégnation éthylique, courant globalement de mes trois ans à mes quinze ans, et les dommages collatéraux qu’elle avait entraînés pour nous tous, il avait toujours répondu « Je buvais pas tant que ça. Et puis avec ta mère, on s’est jamais compris. Elle était dure, têtue, possessive. Elle te gardait pour elle. » »

Page 73 :« On l’avait signé l’armistice, des années auparavant. Par étapes. Une première fois quand il avait lâché sa bouteille et que tout le monde avait pu reprendre sa juste place dans cette famille de cinglés. La guerre des tranchées s’était enfin achevée : les pertes étaient importantes niveau joie de vivre et confiance en la vie, surtout pour le fils, mais en ce qui me concernait, on avait trouvé des arrangements. Sa vraie personnalité, enfin débarrassée des hardes puantes de l’alcool, était ressortie : un contemplatif fin mais gauche, gentil mais brutal, généreux mais autocentré, dévoré par l’anxiété et la timidité, incroyablement empêché. Un touriste de la vie. Contre toute attente, le monstre était humain, vulnérable, attachant. »

Page 128 : « Finalement, ce qui me semblait le plus difficile, c’était de ne plus l’entendre du tout, de ne plus avoir de nouvelles de lui, et au début, machinalement, je regardais mon téléphone pour vérifier qu’il ne m’avait pas appelée, mais non. Une fois, j’avais même composé son numéro pour voir mais j’étais tombée sur la voix vraiment désolée de la dame des télécoms qui disait que ce numéro n’était plus attribué. C’était un peu dingo de faire ça mais après tout, lui-même n’était pas hermétique à ces mondes parallèles. Il me l’avait dit : Je suis sûr qu’on n’est pas seuls et qu’il y a des choses qu’on ne voit pas. « 

« Avant que j’oublie », Anne Pauly, Verdier, 14€

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