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Rentrée littéraire 

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La rentrée littéraire, ce sont aussi des titres venus d’ailleurs. Et des premiers romans. La preuve avec « Le lièvre d’Amérique » de Mireille Gagné et publié à la maison d’édition québécoise La Peuplade.

Voici un curieux roman. Son autrice, qui publie ici son premier roman après avoir, depuis 2010, écrit de la poésie et des nouvelles, le définit comme « une fable animalière néolibérale qui s’adresse à celles et ceux qui se sont égarés « .

Mireille Gagné comme elle l’explique dans la petite vidéo ci-après, sait de qui elle parle. L’an dernier, celle qui travaille à temps plein, écrit et élève deux enfants, a connu « un épisode de surmenage ».  Un sujet en or pour celle qui, à travers la poésie, aime à analyser la frontière entre le prédateur et sa proie à travers le prisme des animaux. Elle avait son sujet.

L’histoire du « Lièvre d’Amérique » ? C’est celle de Diane, célibataire, sans enfants ni amis. Qui se remet d’une opération. Pour être toujours plus performante, ne plus perdre de temps à dormir. L’employée modèle qu’elle est déjà veut encore aller plus loin.

Sauf que cette intervention, loin d’être anodine, déclenche chez elle des phénomènes curieux : ses cheveux et ses poils deviennent roux, ses sens se développent… et les hommes commencent à la suivre…

Par flash-back, lui reviennent alors des images de son enfance, de son adolescence passée près de son voisin et ami Eugène, disparu bizarrement. Il était fasciné par les espèces en voie d’extinction, comme le lièvre d’Amérique. Que deviendra Diane ?

Voilà un texte qui donne envie de poser son sac.  De calmer le rythme ( qui quand on observe Diane ne comprend plus de ponctuation, car il faut toujours aller plus vite…) . Un premier roman qui intrigue mais qui m’a aussi beaucoup parlé. Allez savoir pourquoi…

Et quel plaisir, au détour des pages, de croquer des expressions québécoises ;-)

L’autrice québécoise nous parle ici de son premier roman : 

Extraits

Page 55 : » […] Avant de s’engouffrer dans son bureau, Diane échange un regard soutenu avec sa rivale. L’instant d’une fraction de seconde, elle perçoit même chez elle un léger sourire de connivence, qu’elle balaie rapidement de la main. Diane s’assoit directement sur sa chaise, impatiente d’ouvrir son ordinateur et sa boîte de courriel. Elle éprouve un soulagement lorsqu’elle entend le bip caractéristique de l’ouverture de son portable. Elle sourit. Diane se sent à sa place, ici. Son pied dans la bonne empreint. Plus ses doigts tapent sur le clavier, plus ses idées se remettent en ordre. Elle aime ce moment où elle aligne les lettres à l’écran pour réduire le chaos autour d’elle. Elle jubile à l’idée d’être indispensable. » 

Pages 65-66 : « Pour calmer son anxiété de performance et économiser des secondes Diane compte perpétuellement le nombre de pas séparant son appartement de son travail de marches entre chacun des étages de secondes entre son bureau et celui de la femme qu’elle déteste le temps que ça lui prend pour remplir une bouteille d’eau attendre chez le médecin que le photocopieur finisse sa phase de réchauffage elle compte les calories absorbées pour chaque aliment et dépensées sur le vélo stationnaire les murs qui l’entourent les lumières dans son appartement son bureau les craques sur le trottoirs les lettres dans chaque mot qu’elle écrit les fois où elle a joui ses paiements automatisés à venir ses battements de coeur les combinaisons qu’elle peut faire en collant ses doigts deux par deux ses courriels marqués non lus les dossiers traités par jour en comparaison avec sa rivales ses paires de petites culottes les un-deux-trois litres d’eau qu’elle s’entête à boire chaque jour les mouchoirs et carrés de papier de toilette utilisés les cheveux tombés dans l’évier de la salle de bains les gars avec qui elle a couché depuis l’adolescence elle compte pour combler le vide mais le malheur de se dénombre pas »

Page 99 :« Diane tente de se raisonner et collige les faits. Plus besoin de dormir autant qu’avant. Beaucoup plus d’énergie et de vitalité. Plus de concentration. Exactement comme on le lui avait promis. C’était la finalité qu’elle désirait. Ne plus jamais être fatiguée. Etre capable d’exécuter un plus grand nombre de tâches. Avoir plus de temps. Il est sans doute trop tôt pour conclure au dysfonctionnement. Cependant, au fin fond d’elle-même, elle sait que quelque chose cloche. Son corps, trop fébrile. Une vibration anime chacun de ses membres en permanence. Son coeur, plus fort. Elle entend ses battements pulser jusque dans ses oreilles. Son visage. Ses yeux écarquillés. Apeurés en permanence. Sa peau rousselée. »

« Le lièvre d’Amérique », Mireille Gagné, La Peuplade, 18€

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