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L’enfance est au coeur de son oeuvre. Avec ses ombres et ses lumières. Florence Seyvos nous revient avec « Une bête aux aguets », paru lors de la rentrée littéraire de l’automne aux Editions de Minuit.

Une autrice dont j’ai découvert le travail avec l’un de ses précédents romans « Le garçon incassable »J’avais poursuivi avec « La sainte famille »

Cette fois encore, l’héroïne est un enfant : Anna, que nous suivons pendant sept ans environ.

Anna vit seule avec sa mère. Anna a failli succomber à une rougeole pas soignée. Anna prend désormais des pilules blanches et bleues, chaque jour, chaque semaine. Un remède fourni par un homme qui n’est pas médecin… ça rassure sa mère de voir ainsi sa fille protégée des dangers de l’existence. Elle guérit. Mais cela entraine Anna aux confins de sa conscience.

Elle entend des voix, elle lit dans les pensées de sa mère, elle ment à sa meilleure amie Christine et à son petit ami pour continuer à paraître normale…

Sa perception de la réalité a changé. Difficile de l’accepter. Difficile de le comprendre. Et encore plus de le partager.

Sa mère la surprotège. Anna veille sur sa mère. Une relation fusionnelle qui vire au maladif.

« Nous avons tous une nature sauvage et il s’agit de la dompter. Anna s’y retrouve confrontée « , explique Florence Seyvos. Elle s’interroge. Est-elle un monstre ? Est-elle normale ?

Un livre qui frôle le fantastique. Ni trop, ni trop peu. Un livre étrange, mais quel plaisir de retrouver l’écriture de Florence Seyvos ! Cette fois encore, son expérience de scénariste opère : on voit les images.

Extraits

Page 15 : « Ma mère n’a pas voulu que je reprenne le collège tout de suite. Elle m’a fait faire un certificat de convalescence, et pendant plus de huit semaines je suis restée à la maison, à remarquer peu à peu les changements qui s’opéraient en moi tout en feignant de les ignorer. D’abord il y avait ces bruits, ces sons que j’entendais par moments, comme si, tout près de moi, on eût soudain ouvert une porte qui donnait chez des inconnus. Au début, cela ressemblait à des acouphènes ou à cette habitude qu’ont parfois les enfants d’entendre de la musique partout : un solo de guitare électrique dans les bruits de la tuyauterie, un fortissimo d’orchestre à peine dissimulé dans le moteur d’une voiture ou sous les roues d’un train. Mais les bruits se sont précisés et des voix s’y sont mêlées de plus en plus ». 

Pages 88-89 :  » [… ] C’était l’été, les cours étaient finis, et ma mère ne se préoccupait pas de ce que je faisais de mes journées, du moment que j’étais là la soir pas trop tard et que je prenais, pu feignais de prendre, me médicaments. Quand j’allais chez lui, les voix me laissaient tranquille. Elles ne revenaient que peu à peu, quand j’étais seule, et restaient à l’arrière-plan, comme si elles respectaient un périmètre de sécurité. Chez moi, je ne faisais rien, je dormais beaucoup et j’attendais que le téléphone sonne. Rien ne comptait plus que l’habitude que prenait mon corps du sien. « 

Page 114 : « Au début de deuxième morceau, il s’est soudain passé quelque chose. Les sons ont commencé à me parvenir étrangement distordus. Chaque note résonnait de longues secondes, se mélangeant aux suivantes, tandis que quelqu’un semblait s’amuser à en modifier le timbre, le rendant sourd et trouble, comme si Christine jouait sous l’eau, puis aussi nasillard tout à coup qu’un jouet à musique. Les notes se mélangeaient tellement les unes aux autres que je ne reconnaissais plus rien. J’ai regardé les visages des gens qui m’entouraient, mais bien sûr ils n’entendaient pas la même chose que moi. Et tandis que je les regardais, leurs voix me sont entrées dans la tête. »

« Une bête aux aguets », Florence Seyvos, Editions de l’Olivier, 17€.

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