Rentrée littéraire
C’est la rentrée, celle des livres pas encore celle des classes ! D’ici le mois d’octobre, ce sont 521 livres qui vont être publiés parmi lesquels 379 romans français et 75 premiers romans.
« La dame couchée » en fait partie. J’ai savouré ce texte écrit par Sandra Vanbremeersch. La quadragénaire, diplômée en art, vit à Paris, où elle développe son univers artistique.
L’histoire de ce roman ? Elle est singulière. Pour le moins.
De 2000 à 2019, une jeune femme, l’auteure en l’occurrence, a été l’assistante de vie d’une vieille dame tout sauf ordinaire, recluse dans sa propriété pavillonnaire de la ville de Meudon : Lucette Destouches, veuve de Louis Ferdinand Céline.
Voici le récit de ces années passées dans un monde à l’écart du monde, véritable plongée dans l’intimité de cette future centenaire dont la santé va déclinant, rythmée par le ballet des visites régulières des amis et de la faune gravitant autour de la Veuve, jusqu’aux animaux de compagnie, autres bestioles et spectres peuplant la mythique maison.
Lucette Destouches, née Lucie Almansor, est morte dans la nuit du jeudi 7 au vendredi 8 novembre 2019 à l’âge de 107 ans. Elle avait rencontré l’auteur de Mort à crédit en 1936.
C’est dans une école de danse que la jeune femme de 23 ans est repérée par Louis-Ferdinand Destouches, un médecin généraliste de dix-huit ans plus âgé qui, fasciné par les danseuses, a obtenu l’autorisation d’assister à quelques cours.
Après la mort de l’écrivain, le 1er juillet 1961, une nouvelle vie commence pour celle dont le veuvage sera plus long que le mariage. Unique ayant droit d’une œuvre aussi profuse que sulfureuse, Lucette Destouches en sera la parfaite gardienne du temple comme l’écrit le journaliste Thomas Wieder pour Le Monde dans cet article paru le 8 novembre 2019.
Un premier roman écrit au cordeau, qui brosse le portrait tout en nuances de la femme d’un célèbre écrivain et restitue avec élégance et maestria un climat très singulier. Un vrai régal !
Extraits
Page 23 : « […] L’effacement, je ne pouvais l’anticiper. Ça, pour moi, c’était dans les livres ou dans les films, mais la « vraie » vie soumise et le pouvoir de ceux qui soumettent je ne les connaissais pas. L’intello voulait mener son enquête de terrain et l’artiste éprouver la pure expérience de rentrer dans l’opportunité fantasque qui se présentait là. Un coup de dés. En décidant de servir l’extraordinaire ordinaire des « gens du dessus », je ferais comme Alice, j’irais visiter mon monde à l’envers. J’allais devenir boniche de moi-même ! J’allais m’auto-employer. Luxe, hérésie, fantaisie ou défi, le sort en était jeté. »
Page 76 : « L’escalier s’agace et grince, il en rajoute, peu coutumier de cette déferlante de petits pas secs. C’est qu’il est habitué à nos sauts de biche, nos quatre-à-quatre au moindre appel, aux pas nonchalants de l’Avocat, à ceux discrets ou enjoués des visiteurs. Et avant, aux papattes des chiens et des chats qui faisaient de cette maison une maison verticale, aux tintements feutrés des coussinets, et avant… avant il goûtait le pas léger de la danseuse Légèrement chaotique, scandé comme du jazz, dissonant comme une faille dans le rythme. Et puis surtout il connaissait les caresses de la peau, de la peau des pieds nus de Madame D. «
Page 129 :« Avec le temps qui passe, la maison peu à peu s’est recroquevillée. Tout a fini d’être aspiré du jardin vers SA chambre, vers ELLE. En vingt années, j’ai vu la Dame engloutir les choses comme les gens, et jusqu’à sa demeure. De la végétation du jardin qui se faufile partout gagnant chaque jour en souplesse, aux êtres grouillant comme des vermines, jusqu’à l’agitation de la maison, la Veuve de Meudon a tout fait converger vers sa personne dans une dévorante nécessité aussi magistrale qu’inspirée. »