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Rentrée littéraire

FORET GLACEE

Lu d’une traite ! Le nouveau roman de Frédérique Clémençon est terrible, prenant. Tragique.

Professeure dans un lycée de la Vienne, Frédérique Clémençon signe avec Dans la forêt glacée son septième roman. Quatrième de couv avait parlé ici de son roman L’hiver dans la bouche.

Le temps d’un week-end prolongé, le roman s’installe. Au bord de la mer, une famille se réunit pour fêter les noces d’or des grands-parents. Chloé, la narratrice, est là, avec ses parents, ses frères et soeur GabrielPaul et Julia que tous surnomment Poucette). Une situation normale. En apparence seulement. Car Chloé, 16 ans, met tout en oeuvre pour cacher son secret. Il fait beau, chaud. Elle ne quitte pas ses vêtements aux manches longues.  Cache ses poignets qu’elle scarifie régulièrement. Sa grand-mère Anita sent qu’il se passe quelque chose. Comme un malaise. Etouffant. Elle observe de près Gabriel, le frère aîné de Chloé. Agé de 20 ans, il est étudiant en médecine. Il a quitté la maison familiale. Mais n’est jamais assez loin de Chloé.

D’emblée, on apprend la mort tragique de Gabriel. Frédérique Clémençon remonte ensuite la piste. Plonge les lecteurs dans la vie d’une famille, dans celle d’une adolescente qui se cherche entre les mots tus et ceux qui tuent.  Jusqu’à faire craquer une histoire sans paroles.

 

La forêt glacée ? Une évocation de celle de Sibérie qui, contre toute attente, a été le cadre d’incendies spectaculaires dès mai 2021, et ce, pendant plusieurs mois. Des incendies sans précédent, boostés par la sécheresse et les vagues de chaleur record liées au changement climatique. Chloé se sent également brûlante, transie…mais incapable de raconter l’indicible. Son frère qui la viole depuis des années…

Il y a la violence qu’elle retourne contre elle, les photos qu’elle prend tout le temps… mais pas (assez) de mots. Jusqu’à ce que le secret éclate. Avant de se transformer à nouveau en secret.

Extraits

Page 99 :« Jamais je n’ai aussi bien compris le sens de cette expression – déshabiller quelqu’un du regard – que lorsque ses yeux s’attardaient sur moi. Bien sûr, je pourrais parler du regard de Gabriel et du rouge qui lui vient quelquefois aux joues quand ses yeux fouillent mon corps, me touchent au point de me faire tressaillir, réveillent la douleur au creux de mon ventre, mais son regard est d’une autre nature. Il est carnivore. »

Page 163 :« Quand je suis née, Gabriel avait quatre ans. 

Quand Paul est né, j’avais quatre ans et Gabriel huit.

Quand Poucette est née, j’en avais huit, Paul quatre et Gabriel douze. 

Quand Gabriel est venu dans ma chambre la première fois, j’avais treize ans quatre mois et vingt et un jours. 

Gabriel est mon horloge intérieure, mon mémorial, mon agenda secret. »

Page 225 : « Aline et Samuel marchent l’un à côté de l’autre devant nous, leurs mains se frôlent, s’agrippent, se lâchent. 

Souvent j’ai l’impression que le corps des autres est aussi le mien. Ce qu’ils ressentent me touche, entre en moi. Je suis Aline et Samuel, Lola et Joseph, Paul et Poucette. J’ai mille corps et autant de mains, de langues, de ventres, de bouches. 

Je sais ce qu’est être un gibier, ce qu’éprouvent le cerf, le sanglier traqués, dont la peau sécrète une sueur aigre, la peur a une odeur. Les mots sont merveilleux, oui, monsieur Delage. Sécréter contient à la fois le mystère et le poison, n’est-ce pas merveilleux ? »

Dans la forêt glacée, Frédérique Clémençon, Flammarion, 14€.

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