Rentrée littéraire 2023
Un rendez-vous. Après la rentrée littéraire de la rentrée, qui fournit de la matière aux prix si convoités, voici la rentrée littéraire d’hiver, souvent plus âpre et plus inventive. Cette année, dans un contexte d’augmentation du prix des livres, 517 romans et récits commencent à trouver leur place sur les tables des librairies, soit 27 livres de plus qu’en 2022.
Face au contexte inflationniste, les professionnels du secteur vont miser sur des valeurs sûres, des auteurs aguerris. Quid des premiers romans ? Ils peuvent compter sur moi pour leur donner un peu de visibilité. Parmi eux L’âge de détruire, petite pépite écrite par Pauline Peyrade.
Pauline Peyrade, trentenaire, est déjà l’auteure de sept pièces de théâtre et son travail a été primé à plusieurs reprises. Elle signe avec L’âge de détruire un premier roman singulier.
L’histoire ? C’est celle d’Elsa. Dans la première des deux parties du roman, elle a 7 ans. Narratrice, elle raconte l’arrivée dans l’appartement que a mère, qui l’élève seule, vient d’acheter. Un appartement que la mère a du mal à investir. Un appartement dans lequel la fillette va être frappée et violentée sexuellement. Un huis clos terrible et silencieux.
Dans la deuxième partie, la mère d’Elsa décide de vendre son appartement, désormais remboursé. Elsa vit à proximité de cette mère toxique. A l’heure de faire les cartons, les souvenirs remontent, les questions aussi. Sur une vingtaine d’années, une relation mère-fille auscultée. Détricotée. Entre secret de famille, abus et loi de silence.
En exergue de son roman, Pauline Peyrade a mis une phrase de Virginia Woolf : » L’âge de comprendre : l’âge de détruire… Et ainsi de suite. »
Une phrase énigmatique qu’elle essaie de comprendre. « Comprendre, c’est détruire. Détruire, c’est comprendre. Et on n’en a jamais fini. »
L’auteure, qui a beaucoup écrit pour le théâtre évoque à ce sujet d’une écriture à l’oreille. A la différence de son premier roman qu’elle dit avoir écrit « d’abord avec les yeux ».
Dans cette vidéo, l’auteure explique la génèse de son premier roman :
Extraits
Page 40 :« Tu m’aimes, Elsa ?
Je dors.
Elsa. Dis-le-moi.
Je t’aime.
Dis-le encore.
Mais oui. Je t’aime.
Tu m’aimes comment ?
Beaucoup.
C’est tout ?
S’il te plaît. Je suis fatiguée.
Page 51 : « […] Je ne proteste pas. J’accepte l’inquiétude, sans la reconnaître. J’assiste, impuissante, à sa lente métamorphose. Ses traits s’affaissent. Son visage perd ses couleurs. Elle ne dort guère plus de deux heures par nuit, qu’elle passe dans le lit en dessus du mien. Quand elle s’allonge, elle fait bouger ma couchette sans craindre de me déranger. Je descends la rejoindre avant qu’elle ait le temps de m’appeler, le son de sa voix me glace le sang. Elle passe ses bras autour de moi, elle plonge son nez dans mes cheveux. Régulièrement, son corps est secoué de sanglots. Elle me serre alors très fort, au point que j’en ai du mal à respirer. […] «
Page 138 : » […] Tu as ta vie, j’ai le droit d’avoir la mienne. J’ai fait ma part. Je t’ai donné tout ce que j’ai pu. Tu ne rends pas compte. Les enfants trouvent normal de prendre ce qu’on leur donne et de réclamer plus, toujours. Les enfants, ils vous pompent et vous laissent sur le bord de la route. Je ne te demande rien. C’est ce que fait une mère, c’est normal. Si tu pouvais juste arrêter de m’en vouloir. Et quand même, un « merci maman », de temps en temps, ne serait pas dégueulasse.[…] »
L’âge de détruire, Pauline Peyrade, les Editions de minuit, 16€.