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juliette

 

 

Peut-on tout pardonner à celui qui a réussi et qui partage avec autrui le fruit de ses richesses ? Le succès absout-il de tout ? Et n’est-il pas, de toute manière, suspect ? Voilà l’une des thématiques développées par Metin Arditi dans son nouveau roman,« Juliette dans son bain », paru chez Grasset.

Un auteur dont plusieurs romans ont déjà été présentés ici et .

Né à Ankara en Turquie, Metin Arditi vit à Genève. Ingénieur en génie atomique, il a enseigné à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne où il a créé la fondation Arditi (qui attribue une quinzaine de prix annuels). Il a également crée la Fondation « Les Instruments de la Paix-Genève », qui favorise l’éducation musicale à des enfants de Palestine et d’Israël.

Metin Arditi traite, dans plusieurs de ses romans, de la difficulté de la filiation, de la solitude et de l’exil.

L’histoire de ce nouveau roman paru à la rentrée de janvier ? C’est celle de Ronald Kandiotis, homme d’affaires richissime installé en France. Alors qu’il est diminué par la maladie, il accepte cependant d’être interviewé au JT de 20h. Il vient de faire don à la France de deux toiles de maître – Picasso et Braque, excusez du peu ! – qui ont le même nom et le même sujet : « Juliette dans son bain ». Pourquoi un tel choix ? Forcément, le personnage intrigue.  Un self-made-man qui a su développer la petite entreprise familiale, tout en se passionnant pour l’art ne laisse pas indifférent. L’enlèvement de sa fille unique, Lara, ne va rien arranger.
Dès lors, le roman, qui se déroule sur plusieurs semaines entre mai et juin 2000,  se dote d’une intrigue policière. Car un étrange marché se met en place : si Kandiotis ne valide par les articles écrits par l’association des victimes de Ronald Kandiotis (Avrak) faisant état de possibles lâchetés, ou petits arrangements avec la morale dont il serait l’auteur depuis ses jeunes années, sa fille sera mutilée.
Dès lors, toute son histoire est décortiquée, analysée. Plus rien ne lui est épargné. Les médias s’en repaissent, la France s’en gave tandis que Kandiotis et sa femme Veronica perdent leurs repères.
Extraits
 Page 183 :« Leur mariage fut un marché de dupes. En l’espace de quelques mois, la jeune fille charmante et gaie devint amère. A Marseille, ils n’avaient pas d’amis. Ronny avait grandi ailleurs. Cette ville n’était pas vraiment la sienne. Leur intimité en était restée aux ébats de la première fois. En quittant Genève, Anne-Sophie avait sacrifié un entourage qui lui offrait des repères, une affection à la mode genevoise, sans mots de trop, réservée mais réelle. Un chez-soi. Des racines. L’admiration qu’elle avait ressentie pour les exilés de Marseille se transforma en mépris. Elle les trouvait tapageurs, excessifs, et pour tout dire vulgaire dans ce besoin qu’ils avaient de sans cesse s’agiter, s’interpeller, se retrouver… La quiétude genevoise, le sentiment d’immuabilité de toutes choses, lui paraissaient désormais comme les marques suprêmes de la distinction. Elle s’était piégée toute seule, avec son étude sur les exilés et leurs histoires de racines perdues. »
Page 189 :« 26 mai 2000
Intitulé “Mécènes et mises en scène”, l’éditorial du Figaro soulevait la question du don comme outil d’influence :
Les bons comptes dont les bons amis, dit la sagesse populaire. Ne faudrait-il pas l’écouter ? Dès lors qu’un citoyen a le sentiment de contribuer à la société plus qu’il n’en a le devoir, ne restera-t-il pas dans l’attente d’une reconnaissance ? Ne sera-t-il pas tenté de penser, non sans raison, qu’il a droit à un petit merci ? Et puis, l’appétit venant, à un merci plus grand ? Et au prochain don, à un merci à sa mesure ? Si les bons comptes font les bons amis, les cadeaux pharaoniques ne mettent-ils pas en cause l’équilibre social ? Ne faudrait-il pas les interdire ?”
Deux lettres de l’AVRAK sur les dix annoncées, se dit Ronny, c’est déjà la curée. »
Page 348 :« Il aurait aimé être beau, lui aussi. Que sa mère le prenne contre elle. Pas par désoeuvrement. Avec tendresse. Avec passion, même. Qu’elle laisse Anastasia de côté et le presse contre ses seins. Qu’elle lui dise des choses tendres. Pas monsieur l’épicier levantin derrière son comptoir, ou monsieur le vendeur de noisettes. Qu’elle l’appelle mon trésor, sel de ma vie, et d’autres choses douces, qu’elle le presse contre ses seins, qu’elle le noie dans ses chairs, qu’elle lui parle avec douceur, lui apprenne la tendresse des gestes, qu’elle lui donne le goût des baisers dans le cou, sur les yeux, sur la bouche, aussi, plus longs que ceux qu’elle donnait à Anastasia, plus sur la bouche. Qu’elle lui dise voilà comment tu feras pour être aimé, et il aurait su comment aimer, lui aussi. »
Mon avis
La rançon de la gloire… il la paiera cash ! Voilà un roman qu’on lit d’une traite, histoire de comprendre qui a pu se cacher derrière cette machination diabolique et pourquoi il a a échafaudé un plan si machiavélique. Une histoire riche et une écriture fluide complètent ce nouveau roman de Metin Arditi. A découvrir au coin du feu. Ou pas.
« Juliette dans son bain », Metin Arditi, Grasset, 20€.

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