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MINARDCéline Minard, vous connaissez ?  Après un fracassant « Faillir être flingué », roman-western particulièrement inspiré ( dont vous trouverez la critique ici ), l’auteure nous emmène en haute montagne, loin, très loin du reste de ses contemporains.

Dans un refuge high-tech situé sur un éperon granitique, une jeune femme s’installe pour une expérience. Longue. Une tentative. Une épreuve qu’elle a préparée très minutieusement. Enfin, le croit-elle. Car elle n’est pas seule…

Un roman qui, dans sa première partie, ressemble à un manuel de survie. Tout y est. A l’exception de la raison qui la pousse à s’être installée si loin de la société et de ses semblables.

Un isolement volontaire, radical. Dans un décor qui ne lui pardonnera rien. Là, au fil des jours, elle lit, joue de la musique, cultive son jardin. Sans jamais oublier de marcher, d’escalader. Il s’agit d’apprendre à vivre… sans les autres et loin d’eux. Mais peut-on vivre réellement hors jeu ? La jeune femme se pose de nombreuses questions philosophiques.

Et quand l’autre apparaît, le schéma de la narratrice s’effondre… et le roman perd malheureusement de sa force. Dommage. Reste l’écriture de Céline Minard, vive, dynamique, enlevée.

Extraits

Pages 26-27 :« La forme de mon habitat résulte d’une réflexion sur l’adaptation optimale à l’environnement dans lequel il devait s’inscrire. Un environnement contraignant en lui-même, à quoi s’ajoutait la contrainte de l’autonomie énergétique : aucune bouteille de gaz et aucune ligne électrique, aucun apport extérieur ne devaient servir pour l’éclairer et le chauffer […] S’il y a une esthétique dans ce volume, c’est celle de la survie. S’il y a une décision, c’est la mienne, celle de vouloir m’installer dans des conditions difficiles. En grande autonomie. A l’abri. Dans un lieu couvert, chauffé par le soleil, où entre la lumière, qui protège. L’environnement dans lequel j’ai situé mon abri est celui qui me convient. Que me procure, par l’extérieur, en frottant et raclant l’enveloppe de mon corps qui résiste et s’adapte, la forme nécessaire de ma vie. « 

Page 103 :« En passant sous les pins, j’ai noté que ma réserve de bois avait été très entamée par mon bain de lune. Il reste une dizaine de troncs morts à proximité, je vais m’en occuper. Cela suffira jusqu’à l’hiver, je pense. Un bain par semaine, c’est un bon rythme. Les habitudes aussi, il faut les construire. Effectuer les gestes de l’autarcie, les gestes simples, quotidiens, voilà ce que je m’étais proposé de construire pour habitude. J’ai investi cet environnement et ces conditions qui me permettent de n’être pas dans l’obligation de croiser tous les matins un ingrat, un envieux, un imbécile. Qui me laissent le loisir de penser à tout autre chose, dans une action utile et mécanique. »

Pages 116- 117 : » Je ne peux pas, personne ne le peut, ne pas prêter attention à la présence d’un humain. D’un coccinelle, d’un geai, d’un isard, d’une souris, oui, mais pas d’un humain. C’est un fait. Dès que je vois un humain, j’ai l’idée d’une relation entre lui et moi. Je m’en rends compte. Je ne peux pas faire comme s’il n’existait pas. Encore moins dans la position isolée dans laquelle je me trouve. Que j’ai choisie. Dans laquelle je m’exerce et cherche à savoir si on peut vivre hors jeu, en ayant supposé qu’on le peut et que c’est une des conditions requises pour obtenir la paix de l’âme. C’est une hypothèse que j’ai faite et que je m’efforce de vérifier. Et tout à coup il y a un moine, enfin, une nonne, disons. Qui ne ressent pas la menace. »

« Le grand jeu », Céline Minard, Rivages, 18€

 

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