Jean Rolin, je ne sais pas pour vous, mais moi, je l’aime beaucoup ! Voilà un auteur que je suis depuis des années et qui, de livre en livre, nous emmène toujours loin. De notre quotidien, de notre pays même… Un régal à chaque fois !
Vous le retrouverez donc sur mon blog ici, et aussi là, sans oublier cette fois-ci aussi.
C’est donc avec délectation que j’ai plongé dans « Le Traquet kurde », son 29e livre ( et son douzième roman chez P.O.L.) sûre de partir loin pour 15 euros seulement
Cette fois, il nous propose une déambulation. Grâce à un oiseau, le traquet kurde. En 2015, ce passereau minuscule a été observé en mai 2015 au sommet du Puy de Dôme, donc loin, très loin de ses bases habituelles.
Le narrateur nous mène sur sa trace, plongeant au passage dans la vie et les souvenirs d’ornithologues amateurs et professionnels qui ont marqué l’histoire ( les méthodes étaient alors pour le moins radicales entre vols, attaques en règle et petits arrangements avec la vérité), tout en allant jusqu’au Kurdistan et sur le terrain de nos guerres contemporaines.
Pour prendre le pouls. Pour essayer de comprendre. Et pour, enfin, pouvoir observer le petit oiseau noir, gris et blanc.
Au fil des pages, une déambulation burlesque, rocambolesque et méditative à la fois. En deux siècles.
Extraits
Pages 26-27 : « La première fois que Meinertzhagen se fait pincer avec des oiseaux dans son cartable, pas moins d’une dizaine, c’est à la sortie du British Museum, en 1919, alors qu’il revient de la Conférence de la paix qui se tient la même année à Paris ( conférence en marge de laquelle, comme nous le verrons plus loin, il prétend avoir fessé dans le couloir d’un hôtel T.E. Lawrence, et recueilli de sa bouche des confidences préjudiciables à la réputation de celui-ci). Par la suite, plusieurs de ses amis ou de ses compagnons de voyage – parmi lesquels Hugh Whistler, officier de police en Inde et spécialiste de l’avifaune de ce pays – ont acquis la certitude qu’il volait, dans des collections privées ou dans des musées, jusqu’à celui de Leningrad où un tel exercice, sous le règne de Staline, et même pour un sujet britannique, ne devait pas être sans risque. »
Page 63 : « Mais si propice que soit la guerre à l’exercice de l’ornithologie – au moins si l’on est officier, car l’homme de rang n’a que rarement le loisir de s’y adonner –, c’est surtout après celle-ci que la passion de Meinertzhagen va pouvoir se donner libre cours, y compris sous l’espèce de vol de spécimens, puisque nous savons déjà que c’est en 1919 qu’il se fait prendre à la sortie du British Museum avec une dizaine d’oiseaux dans son cartable.[…] »
Page 95 : « Wilfred Thesigern quant à lui, n’était pas du genre à élever des perruches, pas plus qu’à trahir son pays au profit de l’Union soviétique. Si nous le faisons intervenir dans ce récit, c’est parce que lui aussi a dépouillé des oiseaux, par centaines, avant d’en faire don au British Museu, et parce que sa trajectoire à un moment donné, croisera celle de Philby. Pour ce qui est du dépouillage des oiseaux, c’est surtout dans sa jeunesse qu’il s’y est adonné, à un âge où sans doute il était désireux de s’imposer non seulement comme un grand explorateur, mais comme un contributeur au majestueux édifice des sciences naturelles britanniques. »
« Le traquet kurde », Jean Rolin, P.O.L., 15 euros.