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DESARTHE OK

 Prendre du champ. Traverser un océan pour essayer de voir plus clair sur sa vie, sur ses proches… et sur son pays. Voilà ce que Sylvie Vickery décide de faire, en suivant Hector, son mari, poète et universitaire sexagénaire, qui vient de décrocher un poste en Caroline du Nord, là-bas, aux Etats-Unis. C’est de là qu’ils vivront, à distance donc, les attentats du 13 novembre. Dans une indifférence polie.

C’est également en Amérique que Sylvie va découvrir la vie adultérine de son mari, et le rôle que joue son fils unique –un adolescent si différent des autres – aux côtés de ses camarades. Lester se fait appeler Absalom Absalom, est une émule de Saint-Augustin et prend des airs de gourou.

Sylvie, elle, qui s’est toujours évertuée depuis sa rencontre et son mariage avec Hector, à la non-action et  » à n’être rien  » comme elle dit, poursuit, avec lucidité mais en silence, l’introspection familiale. Loin de ses répères. Jusqu’au scandale. Jusqu’au retour.

Elle ne maîtrise pas bien la langue, ni les codes. Trop cultivée, trop libre de tout aussi.

Première fois que j’ouvre un roman d’Agnès Desarthe, lauréate en 1996 du prix du Livre Inter pour « Un secret sans importance » et auteure de nombreux romans remarqués (« Dans la nuit brune », « Une partie de chasse », « Ce coeur changeant »). J’ai été un peu déçue par ce roman qui, je trouve, survole plusieurs sujets sans les approfondir cependant. Dommage. Beau portrait de femme cependant.

Extraits

Page 22 :« […] Les auteurs s’accordent à déclarer que les parents, et en particulier les mères, s’y prennent mal. Elle a décidé de ne pas s’y prendre. Elle a renoncé tôt et tient le cap. Le dogme du non-agir, encore lui. Elle a plus ou moins décidé d’être la grand-mère de son fils. L’idée n’est pas venue d’elle, mais d’une femme dans le bus. Lester devait avoir trois ans. Ils se tenaient la main, Sylvie et lui, à bord du 75. « Dis donc, mon bonhomme, avait lancé la dame en se penchant vers Lester, tu en as de la chance d’avoir une mamie aussi jeune. » Sylvie avait pesé le pour et le contre : une vieille mère, une jeune mamie. Lester n’avait pas protesté. Il n’avait pas tenté de rétablir la vérité. Toujours poli, si incroyablement poli. Sylvie avait pensé que lui aussi, peut-être, préférait qu’il en soit ainsi. En vadrouille avec sa très jeune grand-mère. » 

Page 79 :« Vieux ? Jamais Hector n’a employé ce mot pour parler de lui, et encore moins pour parler de Sylvie. Il la taquine en l’appelant « ma petite », « mon bébé », parce qu’elle lui arrive au milieu de la poitrine, et elle aime ça. Elle aime être sa petite, son bébé, cela lui permet de voyager à travers les âges, d’échapper aux classifications. Elle peut être à la fois la grand-mère de son propre fils et le bébé de son mari. Elle ne s’est jamais sentie femme mûre, femme-femme. Elle a toujours eu l’impression d’être soit beaucoup plus jeune, soit beaucoup plus âgée. Le compte réel des années n’a aucune réalité pour elle. »

Page 259 : « Durant les premiers temps de sa double passion, Hector s’était soupçonné d’aménager le réel à sa guise, de se persuader lui-même que sa conduite sur le nouveau continent n’avait pas d’impact sur l’existence qu’il avait bâtie sur l’ancien. Ses trahisons étaient sans conséquence et ne blessaient personne, se disait-il, constatant jour après jour que rien ne modifiait ses relations avec Sylvie. Il n’était ni plus gentil avec elle, ni plus impatient qu’avant. Il ne se montrait pas plus tendre, ni moins présent. Elle le faisait rire et l’impressionnait comme toujours depuis qu’il l’avait rencontrée. Elle lui mettait les nerfs en vrille et le fatiguait comme elle l’avait toujours fait. »

« La chance de leur vie », Agnès Desarthe, Editions de l’Olivier, 19€.

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