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LOVE ME TENDER

Le moins de mots possible. Mais un ton. Une économie d’écriture qui va de pair avec son changement de vie. De perspectives. De paradigmes.

J’ai dévoré « Love me tender «  d’une traite. Une lecture provoquée par le confinement et la liste des meilleures ventes de ma librairie tourangelle préférée ! A sa sortie en janvier, ce livre avait engendré beaucoup de promotion autour de son auteure, Constance Debré. Trop pour moi.

Et pour cause. Elle a un nom (Constance est l’arrière petite-fille de Robert ; la petite-fille de Michel, qu’elle déteste ; la fille de François, l’ancien grand reporter qui vit à Montlouis et la nièce de Jean-Louis et de Bernard). Et a fait des choix radicaux à contre-courant dans notre société qui rêve de confort et de conformité aux standards en cours.

Alors j’ai ouvert ce roman d’autofiction. Et je ne l’ai refermé qu’une fois lu. Sonnée. Troublée aussi.

Au fil des pages de cette autofiction, Constance. Constance qui se débat pour continuer à voir son fils, Paul, dont son ex-mari le prive en arguant de terribles supputations.  Constance qui a rendu sa robe noire d’avocate, mais aussi les clés de son appartement…

 

Elle n’a gardé que son sac de piscine ( elle nage chaque jour), deux jeans, sa veste noire et son vieux blouson. Et elle écrit.

Si dans « Playboy », paru il y a deux ans ( lu aussi après « Love me tender » mais le ton y est plus violent je trouve), elle évoquait la découverte de son homosexualité et l’explosion de sa famille à travers sa narratrice à laquelle elle ressemble beaucoup, dans ce nouvel opus, elle se penche sur le lien mère-fils, cet amour maternel dont Marguerite Duras disait  :  » Il n’y a rien à faire, c’est une calamité, la seule du monde, merveilleuse. » 

« Ce n’est pas autobiographique, pas seulement. Il y a une immense différence entre moi et la narratrice qui s’appelle Constance », indique-t-elle au fil des interviews.  On peut la croire. Ou pas.

On y découvre ses doutes, ses élans amoureux, ses souvenirs de femme mariée, ses émotions de maman… Son écriture est minimaliste. Percutante. « J’aime ce qui est ramassé », a-t-elle dit ici ou là. Et ce qui laisse deviner le reste. Une ascèse pour raconter un ouragan et une relation maternelle empêchée dont elle décide de s’accommoder, malgré les rencontres médiatisées, malgré les week-ends annulés au dernier moment et la lenteur de la justice. Pour garder son coeur apaisé.

Elle ne donne aucune leçon. Ni sur sa vie sexuelle ni sur son quotidien de mère sans enfant. Le tout sans haine, mensonge ou pathos, mais avec une p….. de liberté qu’elle protège comme une louve. Au final, un livre sur l’amour et une écriture « au plus près des choses « .

 Constance, fille d’un couple en marge ( sa mère est décédée quand elle était adolescente) a transgressé les règles de son milieu. Et elle s’en fout.

Extraits

Page 34 :« J’ai toujours les mêmes jambes, les mêmes oreilles, les mêmes bras, mais plus rien n’est pareil. Depuis trois ans ce sont des pans entiers de moi-même qui tombent. Qui n’en finissent pas de tomber. Je crois que j’arrive quelque part, six mois plus tard je me retourne et je suis dans une autre vie, avec un autre moi. Tout se mélange, tout ce que j’ai jeté par la fenêtre, les choses, le boulot, le fric, la famille. Bien sûr ça prend beaucoup d’énergie des années pareilles, à force on charrie un peu des cadavres. » 

Page 59 :« Mon manque de thune donne des contours nets à tout. 9 mètres, deux jeans, trois tee-shirts, le vieux blouson et ma vieille Rolex parce que ça me fait marrer, un café au comptoir, une baguette, un paquet de cigarettes, ma carte de piscine. Le monde devient un corps sans gras. Je me resserre, je me concentre. C’est important les limites pour ne pas se paumer dans le chaos. Je vole au Franprix, au Bio c’est bon, je gruge dans les trains, je saute les portillons, je me glisse dans les barrières, j’apprends à demander cent balles aux copains, à les laisser payer mes verres, merci les amis; je me passe de mille choses, du médecin mais pas des clopes, je vis avec rien, j’apprends des techniques, je traverse les jours. »

Page 122 :« Le train est ans une heure à Montparnasse. Pour une fois j’ai des billets. On est en mai, il fait mauvais. Je suis allée nager tôt, à l’ouverture, pour être bien détendue en cas de problème. J’ai fait bien attention, aussi, à ne pas trop me réjouir. Ce week-end à Montlouis, c’est Paul qui l’a demandé. Bientôt un an et demi qu’on a pas passé vingt-quatre ensemble, qu’on ne s’est pas vus sans témoins. Deux ans qu’il n’a pas vu mon père. Ils s’aiment bien. Paul dit toujours, C’est fou comme grand-père et moi on a la même tête. L’association a transmis la demande de Paul, formulée devant eux dans l’heure avec moi et réitérée hors ma présence, et Laurent a dit OK, vu qu’il avait refusé trois fois sous divers prétextes et qu’il commençait, je pense, à passer pour un con. Mais une heure avant il m’appelle. Il dit que Paul ne veut plus partir. »

« Love me tender », Constance Debré, Flammarion. 

 

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