Yves Ravey est de retour. Comme un métronome, il revient tous les deux ans ou presque avec une nouvelle histoire. Et à chaque fois, je savoure le moment. Parce que je sais que sa mécanique est rondement pensée, que l’histoire va vite tourner au fait divers sans jamais que le roman, noir et concis, ne tombe dans les poncifs du genre.
Un des chouchoux de Quatrième de couv, que vous pouvez retrouver ici, là mais aussi ici et là.
Bref, un bonbon acide et doux à la fois. Et « Adultère », dix-septième roman de l’auteur installé à Besançon, n’échappe pas à la règle.
L’histoire ? « Jean Seghers est inquiet : sa station-service a été déclarée en faillite. Son veilleur de nuit-mécanicien lui réclame ses indemnités et, de surcroît, il craint que sa femme entretienne une liaison avec le président du tribunal de commerce. Alors il va employer les grands moyens », nous explique la quatrième de couverture.
Que croyez-vous qu’il arrivât ?
Comme dans ses autres romans, Yves Ravey plonge ses personnages, des petites gens qui tentent de s’en sortir, dans des arnaques minables, des crimes maladroits et autres virées libératoires vouées à l’échec… Par principe.
Rapidement, l’intrigue se dévoile sous nos yeux. Jean Seghers, garagiste franc-comtois aux abois, qui vient de découvrir la vérité sur la fidélité de sa femme, se pose peu de questions, s’inquiète pas ou prou des dommages collatéraux de ses gestes criminels, quitte à trouver des parades face à l’enquêtrice de la compagnie d’assurances ou aux gendarmes.
Bref, mine de rien, Jean Seghers essaye de se sortir de ce mauvais pas. Et l’art d’Yves Ravey fait le reste. Une fois encore.
Extraits
Page 49 :« J’ai continué de l’interroger : Parle-moi franchement, dois-moi comment tu te sens avec moi ? Elle a ignoré ma question, elle a dit que je devais revoir les registres de compte avant le placement définitif en règlement judiciaire, ensuite elle est venue vers moi, m’a serré dans ses bras. J’étais dans le bureau et je remettais l’argent du dernier client dans la caisse portative. Elle m’a demandé : Mais pourquoi toutes ces questions… ? Jean ? Sais-tu ce que j’aimerais ? Offre-moi plutôt un beau voyage une croisière sans retour. J’ai demandé ce que dirait Walden dans ce cas. Mais je me moque de Walden, et tu le sais, a-t-elle poursuivi. Elle est sortie. Je ne l’ai pas quittée des yeux. »
Page 81 : » […] J’ai quitté l’adjudant, suis entré dans le bar, épargné par l’incendie, puis dans le bureau, constatant la paroi vitrée, restée intacte, mais noircie, la boutique, les accessoires dégradés en partie par le jet des lances à incendie. J’ai décroché le portrait de Remedios, couvert d’un voie de suie grise. Derrière moi, le soupir de Walden, qui ne m’a pas quitté d’une semelle, et cette interrogation, de sa voix rauque : Comment a-t-il fait son compte ? J’aurais aimé savoir qui était ce « il » dont il parlait, car à part moi et Ousmane lui-même, qui serait, selon mes calculs, accusé d’avoir commis cet incendie, je ne voyais personne d’autre. «
Pages 103-104 :« […] Et qu’allez-vous faire, Hunter, dans mon bureau à moitié ravagé par l’eau des lances à incendie ? D’abord, je retiens votre disponibilité à me fournir des renseignement, je vais donc vous demander de collaborer, comme cela, vous serez tenu au courant des différentes phases de l’enquête. Je vais chercher dans l’emploi du temps de la victime au cours de ces deux dernières semaines, et je vais tenter de pénétrer a personnalité. Rien de moins. Car, sans vous en rendre compte, vous venez d’orienter mon enquête dans une direction imprévue, et je vous donne raison : c’est d’abord, mais cette fois, avec certitude, un incendie volontaire. Votre thèse concernant votre employé n’est peut-être pas soutenable, je le reconnais, mais elle est pertinente : l’incendiaire se serait emprisonné lui-même, par maladresse. «
« Adultère », Yves Ravey, Editions de Minuit, 14,50€.