En 2022, en pleine crise de l’hôpital, Camille Cambon, médecin légiste vaillante et brillante, reçoit un mail énigmatique. Il y est question du peintre Goya et de son crâne volé après son inhumation à Bordeaux en 1828, et dont on a depuis perdu la trace.
D’abord portraitiste officiel de la cour, aimé des puissants, le maître espagnol devint, à la suite d’une maladie, l’observateur implacable et visionnaire des ténèbres de l’âme humaine.
Les parents de Camille (Pierre et Léa, il était médecin légiste, elle était médecin généraliste) et son parrain, Alexandre, neurologue, se sont passionnés pour l’oeuvre de Goya, avant de devenir des scientifiques de renommée internationale.
A la mort de ses parents dans un accident de plongée il y a trente ans, c’est Alexandre qui a veillé sur Camille.
Comme une enquête aux allures gothiques
Camille part rencontrer à Bordeaux sa mystérieuse correspondante, Jeanne, ancienne directrice de théâtre qui a bien connu ces trois-là, alors étudiants en médecine, dans les années 1960, et semble tout savoir de leur obsession partagée pour Goya.
Une quête effrénée, entre passion scientifique et déraison, où chacun a pris toutes les libertés et tous les risques, au point de s’y brûler les ailes.
Sarah Chiche signe là son cinquième roman. Je l’avais découverte avec son précédent roman, Saturne. Que j’avais beaucoup aimé. C’est donc tout naturellement que j’ai ouvert Les alchimies. Tout autant aimé et qui, contrairement au reste de son oeuvre est une pure fiction.
Une fois ouvert, on ne lâche plus ce roman qui ressemble à une enquête autour d’un célèbre crâne et du quotidien d’une femme de 48 ans, un peu perdue. L’occasion aussi pour Camille de (re)découvrir l’histoire de ses parents et de son parrain. Et des démons qui les ont traversés. Et de s’interroger sur ce qu’est le génie.
Les alchimies, roman aux allures picaresques, permet aussi aux lecteurs de constater la déliquescence de l’hôpital public, mais aussi de suivre la relation souvent compliquée entre une mère et sa fille adolescente, tout en regardant un couple se défaire… Un chouette moment de lecture !
Retrouvez Sarah Chiche qui raconte son roman :
https://youtu.be/lIihg9AyZeM?si=VfMZfqZfHOb_opQa
Extraits
Page 22 : « L’affaire du charnier de l’université n’était pas tout à fait nouvelle. Elle avait éclaté trois ans plus tôt : un article dans un hebdomadaire à grand tirage avait révélé que depuis trente ans, tandis que des générations d’étudiants (étudiants dont j’avais été, des années plus tôt) assistaient à leurs cours de médecine, de biologie, de sociologie, des monceaux de morts anonymes pourrissaient au-dessus de leurs têtes. On avait raconté que les préparateurs en anatomie, responsables des prélèvements sanguins, des embaumements et de la découpe des corps pour la recherche médicale, évoluaient dans une puanteur qui se répandait au moins jusqu’au troisième étage, là où étudiants et professeurs circulaient toute la journée. On ne pouvait ne pas la sentir. »
Page 98 : « […] A chaque lecture, les mêmes phrases, le même émerveillement, le même effroi. A chaque fois, ces nuits où l’enfance crevait sans bruit, je découvrais la porte d’entrée vers un rêve nouveau où Goya m’était un ami cher. Les mots de mon père coulaient dans mes yeux. Sur le fond noir des murs, les personnages du peintre finissaient par apparaître : soldats, duchesse, enfant à l’oiseau, moines dépravés, joueurs aux yeux bandés, grand bouc dans sa prairie, carrosse assailli de bandits, brunes alanguies sur un sofa, inquisiteurs aux bouches coupantes comme des ciseaux, pourchassant mon parrain sortant nu de la chambre de mes parents. J’étais incapable de bouger, incapable de crier. »
Page 188 : « De la peine qu’avait ressentie mon père lors de la publication de son unique livre, je n’avais jamais rien su. A mes yeux d’enfant, son Goya avait nécessairement été un succès. Mais par ricochet, alors que j’écoutais Jeanne, une pensée me traversa l’esprit : sans doute avait-il été bien dur pour mon père d’assister au triomphe qui avait accueilli la parution de chacun des ouvrages de mon parrain, et ce dès le premier, Neuropolis, au milieu des années 1980, au moment où les techniques d’imagerie cérébrale commençaient à prendre de l’ampleur. Cet essai inaugural (Alexandre en publierait ensuite un tous les deux ans) avait été salué par les uns comme le plus fascinant état des lieux des connaissances du cerveau et du système nerveux, critiqué par d’autres, mais en tout cas abondamment discuté et même traduit en plusieurs langues. »
Les alchimies, Sarah Chiche, Seuil, 19,50€