Catherine de Colbert ou la tradition papetière
A la tête de la cartonnerie Oudin avec ses deux frères, elle a choisi un métier d’homme dont elle défend les valeurs. Une femme passionnante.
Le mois dernier, Cap’Éco consacrait un dossier sur les destins liant les entreprises et les territoires. Comme son prolongement, la cartonnerie Oudin (Truyes) perpétue non seulement l’identité séculaire de son activité locale mais elle continue d’exporter une excellence vouée à l’export (25 %), dans le respect d’une tradition familiale éprouvée depuis plus de six générations.
Ici, des noms sont gravés dans le moellon des murs datés du XIXe siècle : Oudin avant-hier, Aymar de Tudert hier, Georges et Henri au service commercial et industriel aujourd’hui avec leur sœur Catherine, épouse de Colbert. Le « triumvirat » a pris les destinées de la plus ancienne entreprise d’Indre-et-Loire, chargée d’histoire et de résistance aux guerres et aux crises successives qui n’ont pas manqué de jalonner sa vie et les traversées du progrès industriel. Catherine de Colbert évolue donc dans ce pari temporel et sans cesse en proie aux renouvellements technologiques. Le savoir-faire Oudin fait un carton depuis des lustres. Elle en entretiendra la flamme !
» Une femme est plus à l’écoute «
« J’ai été élevée dans un métier d’hommes. Le fait d’être née dedans m’a permis le conditionnement… ». Fait d’humour sur la matière travaillée ou lapsus quand elle aurait pu dire « être conditionnée » à la vie du labeur ? Catherine de Colbert joue d’humilité : « Il faut, dit-elle, poser élégamment une question pour avancer… ». École supérieure de commerce à Paris section financière, premières armes à Monaco chez Squadra de fibre italienne : elle se forge l’expérience à l’export loin du giron familial. Jusqu’à ce que son père la rappelle.
La jeune femme se montre inspirée, tant à l’export qu’à la gestion administrative et financière. Et ne tarde pas à dévoiler une appétence sociale auprès de ses quelque 80 salariés : « Je pense qu’une femme est plus à l’écoute. Il y a des mots, mais il faut aussi des actes. Ici, la notion de temps est différente qu’ailleurs. Pour réussir la reprise d’une entreprise familiale, il est nécessaire d’avoir eu une expérience à l’extérieur, de travailler sur le projet, de partager les valeurs, de bien comprendre ce que chacun en tant que personne souhaite faire (son projet professionnel) et de bien définir le rôle et les missions de chacun ».
Alors, qui est vraiment Catherine de Tudert – de Colbert ? Trésorière du Medef et de la CCI, vice-présidente à la chambre consulaire de l’enseignement supérieur, de l’innovation et de l’intelligence économique, auteur d’un livre collectif sur « L’entreprise au cœur de la vie », distante sur le pacte de responsabilité parce que les attentes ne sont pas les mêmes d’un côté comme de l’autre. « Nous sommes dans un univers industriel, contraints de respecter des normes de plus en plus restrictives et coûteuses. Nous subissons des pressions sur les prix des matières premières et l’énergie. Notre développement se fera en continuant de conserver nos savoir-faire, en les développant avec innovation, en différenciant notre offre. Il y a certainement des pistes à approfondir au niveau de l’économie circulaire… » dit-elle, en femme militante.
Elle apparaît, au fil de la conversation, comme profondément humaniste. Ses relations étroites avec les salariés – qui ne sont pas syndiqués – l’attestent sur cette anecdote. Sandrine, ancienne technicienne de surface devenue réceptionniste, raconte : « Je me suis fait flasher par un radar au point de laisser ma voiture aux mains des gendarmes à l’heure de l’embauche. Qui est venue me chercher ? Catherine… ».
Une autre devise se profile. Celle de l’aïeul de son mari, Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV, qui déclarait le 3 août 1664 : « Si nos fabriques imposent à force de soin la qualité supérieure de nos produits, les étrangers trouveront avantage à se fournir en France et leur argent affluera dans le Royaume… ».
Ah, l’esprit de famille !
Portrait de qualité.
Félicitation à la NR, mais aussi a Catherine qui représentent les valeurs à entretenir et diffuser.
Il nous faut lire des articles comme cela plus souvent pour se dire que nous bénéficions d’entreprises de qualité.
Cordialement