4 novembre 1914. Lavallée (Meuse)
Ce matin à 5h départ par alerte. Pour où ?
Toujours la même question. Pour où ?
Ordre venu de l’armée de nous rendre à Mussey, à l’ouest de Bar-le-Duc, où le régiment sera embarqué pour une destination ignorée. Embarquement à 2h, ce soir. C’est une marche de 38km en perspective. Les routes sont grasses. On patine ; des hommes tombent. Mais tout le monde est heureux. « On part ! Chouette, on va voir du pays… Paraît qu’on va embarquer au Hâvre… Non que j’ te dis, on va-s-à Arras. Penses-tu !… On va bouffer des huîtres à Ostende, sais-tu !… »
Soudain, agitation le long de la colonne. Des cyclistes vont et viennent affairés, essoufflés, un bout de papier à la main : « Le 170ème s’arrêtera là où il se trouve. Il fera la grand’ halte et attendra des ordres. »
Là où nous nous trouvons c’est Lavallée, à 8km de Ménil. Nous nous arrêtons et nous faisons une omelette… en attendant des ordres. (Bedel a ajouté, en petits caractères, avec une autre encre : « J’ai su plus tard que l’ennemi avait violemment attaqué Marbotte ce matin et qu’on avait hésité à nous appeler à la rescousse. »
A midi les ordres viennent : continuez la marche.
Nous continuons par Erize, Bar-le-Duc. A Bar-le-Duc, accueil charmant de la population. On distribue aux hommes des couronnes de pain frais, des cigares, du café… Un pharmacien donne à pleines mains des boîtes de pastilles,
des boules de gomme et des réglisses.
Ensuite nous longeons indéfiniment un beau et calme canal, le canal de la Marne au Rhin, qui peu à peu se fond avec la nuit. Les hommes sont exténués. 38 kilomètres par un temps mou et dans une boue grasse. J’arrive à Mussey, portant le sac et le fusil d’un caporal, littéralement vidé.[…]
Le « dernier tuyau » veut que nous partions pour… Noisy-le-Sec.
Marches et contre-marches bien souvent inutiles, ordres et contre-ordres cafouilleux, un GQG et des PC divisionnaires trop éloignés des zones de combats pour prendre les bonnes décisions tactiques, d’où fatigues extrêmes de la troupe bien décrites par Maurice…
Pas étonnant dans ces conditions que le » Bobosse » soient » littéralement vidé… »
Pour les « Artiflots » qui doivent suivre à distance, c’est un peu moins pénible, et puis l’artillerie est » hippo », parfois tractée, les déplacements sont moins douloureux…
Idem pour ce qu’il reste des régiments de cavalerie non encore démontés, mais avec des chevaux encore bien fourbus des deux derniers mois de campagne où ils ont été bien esquintés….