12 et 13 mai 1915 : une pluie de crapouillots allemands qui nous ont bouché les oreilles par leurs éclatements

Le mercredi 12 mai 1915
Nous n’avons besoin que de quelques sentinelles et je peux dormir toute la nuit, autant que les poux veulent bien me laisser dormir, car nous en avons tous, même le commandant. Nous faisons quelques corvées dans le jour. L’aspirant Tostain arrive à la compagnie.

Le mercredi 12 mai 1915 – 12 heures.

Chère Eugénie,

Depuis quelques jours, je n’envoie comme nouvelles que deux ou trois lignes pour signaler mon existence et ma bonne santé. Je suis toujours dans les tranchées et je ne peux pas m’attarder à écrire longuement. Cette période de tranchée finira demain soir et elle a été très bonne jusqu’ici. Nous sommes tout à fait tranquilles et n’avons pas grand chose à craindre La situation est d’un calme parfait. Hier soir nous avons lancé des crapouillots sur les tranchées allemandes. Le lance-bombes était placé à côté de ma cabane et il a été vite repéré. Il nous est arrivé une pluie de crapouillots allemands qui nous ont bouché les oreilles par leurs éclatements. Ils ont démoli quelques mètres de tranchées et puis c’est tout. Il n’y a pas eu de mal. On s’est endormi là-dessus et ce matin tout est réparé, un bon coup de balai dans la tranchée et c’est propre pour toute la journée.

Nous ne sommes pas trop à plaindre dans nos tranchées en ce moment. La poussière a remplacé la boue et le soleil a remplacé la pluie. Au tantôt nous cherchons l’ombre et nous aurions presque besoin de canotiers. Les nuits sont douces et pas noires du tout quoiqu’il n’y ait pas de lune. Et puis elles sont devenues courtes. Comme nous sommes toujours obligés de nous lever la nuit, nous sommes bien à même de voir à quelle heure le jour commence. En ce moment à 2 h 30 il ne fait déjà pas bon montrer sa tête au-dessus de la tranchée.

Je me porte bien malgré la grande chaleur. L’appétit est moins grand mais l’estomac va bien. La nourriture n’est toujours pas très bonne.

Auguste est toujours ici et te souhaite le bonjour. Aucun incident particulier à noter. D’après les journaux, nous avons des succès près d’Arras.

Reçois l’expression de mon affection fraternelle. – Ton frère.‑ H. Moisy
Le jeudi 13 mai 1915
Travaux d’entretien des tranchées et boyaux. Deux mines françaises ont sauté au réduit de la cote 263. Elles ont sauté juste au-dessous de la tranchée allemande, faisant sauter plusieurs tonnes de terre à 20 m de hauteur. Un Allemand qui se trouvait dans la tranchée, et qui a sauté avec elle, est resté accroché par le pied au sommet d’un arbre, le pied pris dans la fourche d’une branche, le corps se balançant dans le vide. Il appelait au secours et en fait de secours la compagnie française qui se trouvait à cet endroit l’a tué à coups de fusil. Les Allemands ont ensuite coupé l’arbre pour avoir son cadavre. Je ne l’ai pas vu, mais plusieurs hommes de ma section sont allés le voir et m’ont rapporté ce fait qui a été connu de toute la division. Canonnade française et allemande. A 21 h violente fusillade.