11 avril 1916.
J’aime les conversations d’après table entre officiers. L’excellence des mets préparés par le cuisinier Philippe dispose aux sincérités, les rares fumées du vin de l’intendance achèvent de déboutonner les vareuses et de délier les langues. « Moi, avoue le brave et héroïque capitaine C. des chasseurs, moi, à chaque affaire je me saoule jusqu’à ce que la mort m’apparaisse comme une chose aimable et désirable. J’étais toujours ivre en allant à l’assaut . – Moi, ajoute le brave et héroïque lieutenant N. des chasseurs, moi j’avale d’un trait un quart de gniole cinq minutes avant l’heure fixée pour l’attaque. – Mais, tenez, au Linge, nous confie C., les hommes de mon bataillon reçurent un mélange d’éther et de rhum analogue à celui des Boches. J’en pris pour ma part une large rasade et… voilà pourquoi je fus cité à l’ordre de l’armée. »
Et je me rappelle Cocagne, aux Eparges, ivre-mort, se faisant écraser sous son abri une bouteille de kirsch à la main.
un mélange d’éther de rhum…Sans doute moins délectable qu’un vieux Kirsch, mais quel cocktail explosif !!
pas étonnant qu’après avoir ingurgité cette mixture on aille à la mitraille en chantant et le coeur léger…Comme dirait le regretté Fernand Raynaud » c’est étudié pour… »
On doit à peine sentir venir la mort et on part pour l’éternité dans une sorte d’allégresse !